Le storyboard de Wim Wenders: Dessine-moi une classe de maître.

                                                                               


Par Robert Laplante

Je me revois à ma deuxième année de CÉGEP alors que j’avais suivi comme cours complémentaire un cours sur le cinéma. Je me rappelle encore ma réaction quand la professeure nous avait présenté La nuit américaine de François Truffaut. Je m’en rappelle encore parce que ce film, qui parlait des coulisses d’un tournage, m’avait autant bouleversé qu’enthousiasmé. Des sentiments qui m’habitent encore aujourd’hui quand je revois cette merveille qui a réveillé chez moi une passion en dormance. Depuis j’ai toujours un faible pour les films, les livres et les bédés qui se consacrent à l’histoire derrière l’écran.

                                          


L’émotion et le plaisir que j’ai ressenti dans le film oscarisé de Truffaut, je les ai retrouvés dans la magnifique bédé de Stéphane Lemardelé Le scénarimage de Wim Wenders. Une autre qui va se trouver dans ma liste des dix préférées de l’année.

En 2014 Lemardelé, un peintre qui s’est tourné vers la réalisation de scénarimage, est contacté par l’équipe de Wim Wenders pour ouvrer sur Everything Will Be Fine, un film tourné en partie dans l’hiver québécois. Travailler avec le créateur de Paris Texas,

                                       


des Ailes du désir et de Pina, ça ne se refuse surtout pas. Ce n’est quand même pas tous les jours qu’on peut se mettre au service d’un réalisateur qui a laissé une empreinte indélébile sur le 7art.

Lemardelé accepte avec enthousiasme de rejoindre l’équipe du cinéaste allemand. Durant l’élaboration, l’idée lui vient de relater cette expérience exceptionnelle dans une bédé. Après tout, si on fait des films sur les dessous des tournages, pourquoi pas une bande dessinée. Et qui plus, une oeuvre où Wenders serait continuellement présent, livrant ses réflexions inspirantes sur cet art qui a complètement changé la face du monde depuis sa naissance.

Tout comme La nuit américaine de Truffaut, Le scénarimage de Wim Wenders est une magnifique lettre d’amour envers le 7art. Un vibrant et émouvant témoignage qui va même plus au loin que n’importe quel documentaire sur le sujet. Oui, beaucoup plus loin. Pourquoi? Tout simplement parce que Lemardelé suit constamment le réalisateur, discute avec lui de création, de peinture, de musique, de technologie, de lumière, de prises de vue, de scénarimage et… de froid. Ce froid mordant d’Oka qui complique la vie du tournage. Ce qui aurait été impossible dans un documentaire filmé.

Il y a quelque chose de profondément inspirant dans Le scénarimage de Wim Wenders. Quelque chose qui m’a permis de renouer avec une passion qui s’était peut-être un peu étiolée au fil des années. subitement, l’espace de sa lecture, je me suis retrouvé dans ce cours de cinéma. Soudainement je me suis retrouvé le dimanche soir quand j’écoutais Ciné Club sur les ondes de Radio-Canada. Des films qu’on ne découvrait jamais aux heures de grande écoute parce qu’ils n’étaient pas faciles à vendre aux publicitaires.

Lemardelé propose une captivante réflexion hypnotique sur la création, sur l’art, sur la narration et sur l’avenir du 7art. Comme Truffaut il a compris que raconter un tournage pouvait être excitant et nous garder en haleine.

Son trait magnifique, ses couleurs fabuleuses — je n’ai jamais vu une neige aussi vivante. lumineuse, riche —, le rythme de son montage, son utilisation judicieuse des extraits de son scénarimage, des films de Wenders et de certaines peintures qui ont influencé le cinéaste font de cette bédé une œuvre qu’on a envie de relire une fois terminée. Ce que j’ai fait.

Et que dire du plaisir de partager le quotidien du cinéaste. Jamais je n’aurais cru un jour avoir l’opportunité et la chance de le rencontrer de cette façon. Oui bien sûr c’est une réunion sur papier, mais il est tellement vivant sous la plume du bédéiste que j’avais l’impression d’être devant lui dans mon salon en train de boire ses paroles au son de la slide de Ry Cooder ou des mélodies envoûtantes de Million Dollar Hotel composées par U2 et Daniel Lanois.


                                    


Une rencontre que je n’oublierais pas de sitôt.

Stephane Lemardelé, Le scénarimage de Win Wenders, La Boîte à Bulles

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023