Un parfum de fin du monde


                                                     

Texte de Robert Laplante
6 juin 3 h 30. Dans la chaleur de la nuit de l’été normand naissant, 15 500 unités aéroportées américaines et 7 900 unités aéroportées britanniques sont larguées à proximité des plages de Normandie. Un Prélude au Ragnarök nazi tant craint par les anciens Dieux nordiques. Aujourd’hui on parle fin du monde.
Le poids du Ragnarök.
Il est populaire ces dernières années, le Ragnarök, très populaire même. Les Asgardiens « marveliens  » l’ont connu dans le troisième Thor, les enfants de Ragnar Lodbrok sont en train de le vivre dans Vikings, Neil Gaiman lui l’a décrit dans son fabuleux recueil de nouvelles Mythologie viking, définitivement, il est dans l’air du temps. Comme si les peurs du nouveau millénaire et de l’effondrement de notre civilisation s’étaient réincarnées avec de nouveaux habits, ceux des anciens Dieux du nord.
Islande, jadis. Ulf Keludar seigneur Viking islandais, en guerre ouverte avec Björn le brulé, puissant seigneur du clan Haraldùr, recueille sur le rivage un homme inconscient, rejeté par les flots sauvages de la mer, seul survivant d’un terrible naufrage.
 Alors qu’il met généralement à mort ceux que la mer dépose sur ses plages, Ulf laisse la vie sauve, à cet inconnu. Il faut dire que le naufragé porte la marque d’Odin, celle des guerriers-fauves, celle des trois légendaires « berserks ». Et même le plus courageux des Vikings n’oserait tuer celui qui sert Odin dans sa lutte contre Loki ,celui dont l’âme, résonne du bruit des champs de bataille, de la furie sanglante de l’acier des épées qui s’entrechoquent, des cris des guerriers tombés au combat et des tragiques complaintes éternelles des veuves déchirées par la peine.
Originaire des Orcades, banni par le souverain de Norvège, le rescapé n’a qu’un but. Se venger de ce roi Hàkon qui en fait un apatride. Pour payer sa dette à celui qui lui a sauvé la vie, l’Orcadien décide de participer activement à cette guerre islandaise. Un geste qui aura des conséquences pour les Islandais certes, mais aussi pour toute la nation viking. Un geste qui pourrait même précipiter le Ragnarök.

                                              


Excellente trilogie viking Le Serpent Dieu est sans contredit la bande dessinée du printemps. Scénario efficace, intelligent aux multiples rebondissements, dessin puissant qui sied à merveille à ce type d’aventure mythologique, mise en page dynamique, personnages plus grands que nature, Le Serpent Dieu est une réussite sous tous ses aspects.
On y retrouve le même souffle épique, la même démesure et la même connaissance du fascinant monde nordique qui ont fait la marque des séries télé Vikings et The Last Kingdom et de la magnifique bande dessinée Le crépuscule des Dieux de Djief et Jarry qui m’avait beaucoup impressionné à l’époque.
Et même si je trouve que les tomes de la saga mériteraient plus de pages, il reste que Le Serpent Dieu est une excellente bédé nourrie du même lait que les grandes sagas nordiques.
Une saga de feu et de sang qui sent la sueur, la rage destructrice et la mort et qui mérite le détour.
Le Ragnarök « lovecrafien »
Chicago 1954. Quand son père Montrose disparait soudainement, Atticus, vétéran afro-américain de la Guerre de Corée, s’embarque dans une traversée de l’inquiétant Massachusetts de Lovecraft à sa recherche. Enchainé dans une pièce sombre du manoir Braitwhite d’Ardham, Montrose est sur le point d’être sacrifié par une secte étrange à d’horribles créatures d’un autre monde venues persécuter les Noirs américains. Pour Atticus commence une horrible descente aux enfers en plein cœur d’une Amérique aussi raciste que « lovecraftienne. »

                                     


Réjouissant roman fantastique, Lovecraft Country de Matt Ruff est une captivante et surprenante leçon de maitre, un vivifiant témoignage qu’il est encore possible de s’inspirer de l’univers de Lovecraft, de l’explorer et d’en repousser les frontières.
Rencontre brillante entre le pulp magazine, à la Weird Tales, les bandes dessinées d’E.C Comics et le roman social « chesterhimesiens, » Lovecraft Country est un hallucinant voyage dans une Amérique ségrégationniste, conservatrice, baignée par un racisme arrogant, un rigorisme religieux et assuré de son bon droit, une Amérique étouffée par l’hypocrisie de son mode de vie idéal.
Avec son écriture punchée, son sens de l’observation, ses coups de théâtre bien aménagés et ses subtils clins d’œil à la littérature d’horreur de la première moitié du siècle dernier, Ruff nous garde constamment sur le bout de notre chaise, nous surprend et nous gave de plaisirs presque coupables.
Ce n’est pas pour rien que Jordan Peele ait décidé de l’adapter en série pour HBO. Il y a une filiation indéniable entre ses incroyables films US et Get Out et le voyage « lovecraftien » de Matt Ruff. Comme si les trois œuvres venaient de la même plume et véhiculaient les mêmes préoccupations.  
Le roman d’horreur de l’été ? Sans aucun doute ! Une merveilleuse découverte.

Le Gris, Dellac Serpent Dieu, tome 1 Les larmes d’Odin, Glénat.
Le Gris, Dellac, Serpent Dieu, tome 2 Le Temple du dieu-corbeau
Matt Ruff, Lovecraft country, Presse de la cite.

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