Lino Ventura : Mais qu’est-ce qu’elle a ma gueule !
Par Robert
Laplante
Il a été un
des comédiens français les plus emblématiques de la seconde moitié du XXe siècle,
une gueule intimidante, un physique d’armoire à glace, un homme fait d’un bloc,
inflexible comme une barre de fer, façonnés par son enfance italienne sous le
Duce et sa carrière de lutteur olympique et de catcheur. 32 ans après sa
disparition Lino Ventura continue de briller au firmament des plus grands
acteurs de l’Hexagone, comme si personne n’avait pu réellement chausser ses
souliers. Du moins avec le même charisme.
Je ne suis
sans doute pas le seul, à le penser. Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry ont
concocté une sympathique et fascinante biographie dessinée, sur celui qui a su
dire les plus savoureuses répliques des Audiard,
Giovanni, Lautner, Veber et
autres Melville.
Avec son
regard qui disait tout sans avoir à prononcer un seul mot –
rappelez-vous le centurion Caius Aerobus, commandant du camp d’Aquarium
dans La Zizanie – Ventura est devenu comme ses collègues Marielle,
Rochefort, Noiret, Constantin une de ses gueules dont le cinéma français avait
le secret.
Prétextant
de fausses entrevues pour une future biographie, un journaliste réussit à
approcher Ventura
d’assez près pour faire tomber les barrières qui le protègent.
Peu à peu, au fil des rencontres avec le journaliste, Ventura baisse la garde
et accepte de se confier sur les grands moments de sa vie, sur le cinéma et les
réalisateurs, égratignant au passage ceux de la Nouvelle Vague, sur les rôles
qu’il a refusés, La chèvre où Depardieu l’a remplacé, Le vieux fusil
où Noiret a hérité de son rôle ou Rencontre du 3e type où
cette fois-ci c’est Truffaut qui a pris sa place. S’il se confie timidement sur
sa vie, il reste toutefois muet sur sa jeunesse, l’abandon de son père et sa
vie privée.
Le résultat
est une biographie dessinée irrésistible.
Une BD au scénario intelligemment
construit qui sait constamment nous titiller et au dessin évocateur qui
restitue avec authenticité la magie du cinéma. Sous la plume du tandem, Ventura
brille de mille feux et retrouve une vie comme s’il ne nous avait jamais quittés.
Le duo restitue avec respect, pudeur et discrétion son charme, son aura et le
parfum de mystère qui entoure sa vie personnelle. Un secret sur lequel il a
toujours jalousement veillé, comme s’il s’était construit une forteresse pour
que personne ne puisse troubler son monde bien à l’abri des rumeurs du vedettariat.
À travers
les pages de Lino Ventura et l’œil de verre c’est tout un pan du cinéma
français, celui qui m’a forgé, qui est évoqué. Un cinéma qui n’existe plus,
mais qui m’a procuré tellement de plaisir.
Véritable
ode au cinéma populaire de l’Hexagone, vous ne pouvez pas passer à côté de
cette bande dessinée.
Arnaud Le
Gouëfflec, Stéphane Oiry, Lino Ventura et l’œil de verre, Glénat
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