Complotez, complotez, il en restera toujours quelque chose II
Par Robert
Laplante
Les religions !
Ah les religions ! Elles en ont alimenté des fantasmes. Surtout ceux des
conspirationnistes. Ces conspirationnistes qui voient en elles, surtout les officielles,
de véritables nids à complot prêts à annihiler tous ceux qui ébranlent ses
incontestables dogmes. Parmi elles le christianisme, et particulièrement le
catholicisme, occupe le haut du pavé des maîtres ès conspirations.
Arianisme,
catharisme, iconoclasme, bogomilisme, luthéranisme, calvinisme, etc. On ne
compte plus le nombre d’hérésies réprimées par l’Église de Rome. Une institution
dont la puissance et la culture du secret ont fini par alimenter les délires de
tous ceux qui la rejetaient et qui voyaient en elle une puissante
marionnettiste qui manipule la vérité et les fidèles au gré de ses volontés.
De la
publication des 95 thèses en octobre 1517 de Martin Luther - qui
dénonçaient le trafic des indulgences instauré par Jules II et Léon X pour
financer la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome - au Sodoma de
Frédéric Marteld, le Vatican, sa culture du secret et ses sulfureux serviteurs qui
trahissent constamment le message du Nazaréen sont les responsables parfaits
pour tous les conspirationnistes.
Sous
l’ombre du Vatican.
Dans la
foulée du discutable Code Da Vinci de Dan Brown plusieurs romans, films
et bandes dessinées ont à leur tour abordé la kyrielle de complots possibles dans
lesquels vivoteraient les successeurs des disciples du Christ. Un nombre
incalculable de romans, de films et de bandes dessinées qui ont imaginé les
complots « ourdis et urbi » (si vous me permettez ce mauvais jeu de mots) par
les sombres soldats du vicaire du Christ. Parmi toute cette production à qualité
variable, on retrouve quelques petites pépites aussi ingénieuses que palpitantes,
dont: Le triangle secret.
Imaginé et
scénarisé par Didier Convard d’après son roman et dessiné par Pierre Wachs,
Gine, Denis Falque, Patrick Jusseaume, Jean-Charles Kraehn, Éric Stalner, André
Juillard et Gilles Chaillet Le triangle secret est une série de 7 tomes
et de 4 autres séries dérivées.
Didier
Mosèle, franc-maçon, attaché au Ministère de la Culture/historien est engagé pour
traduire certains manuscrits en très mauvais état de la mer Morte. Des
manuscrits qui remettent en question l’histoire christique enseignée par le
Vatican. Pour l’historien, commence alors une dangereuse chasse à la vérité
jonchée de cadavres et de menaces provenant des impitoyables Gardiens du sang.
Les « exécuteurs » préférés du Vatican chargés d’éliminer toutes les preuves
qui pourraient remettre en cause les fondements de l’Église romaine.
Thriller
haletant Le triangle secret est un fabuleux suspense ésotérico-historique
qui tient la route du premier au dernier tome. Convard en alchimiste aguerri
concocte une intrigue nuancée et respectueuse qui métisse adroitement les
rebondissements, les coups de théâtre, les explications théologiques et
historiques et les extrapolations plausibles sur des controverses qui
traversent l’Église depuis toujours.
Loin de Dan
Brown, de ses pseudo révélations historiques, de ses raccourcis intellectuels
et de son manichéisme un peu primaire, le scénariste construit un thriller qui
repose sur une connaissance pointue de la franc-maçonnerie et du catholicisme.
Et si la
qualité des dessinateurs n’est pas toujours égale, il reste que Le triangle
secret prouve que le conspirationnisme peut aussi offrir des œuvres aussi
passionnantes que recherchées.
Inch
Allah
Il n’y a pas
que le catholicisme qui alimente les complots historiques, l’Islam aussi. Et je
ne parle pas ici des théories complètement folles comme le grand remplacement.
Parce que si on y pense bien l’Islam aussi a une relation plutôt trouble avec
ses groupes plus déviants de la doctrine officielle.
Comme
Convard l’a fait avec le christianisme, Frank Giroud s’amuse à ébranler nos
certitudes historiques sur l’Islam. Cette fois-ci c’est l’apparition de
nouvelles sourates, dictées par le prophète lui-même, qui remettent en cause
les fondements même l’Islam et les interprétations plus radicales du Coran, qui
soulèvent le courroux des milieux rigoristes. Dès lors ces traditionalistes
n’auront de but que de les faire disparaître.
C’est cette
longue quête pour protéger ces nouvelles sourates qui est au cœur du Décalogue.
Une excitante série de 10 bandes dessinées, un hors-série et quelques séries
dérivées mais moins intéressantes, signée Frank Giroud et une kyrielle de
dessinateurs talentueux dont le grand Paul Gillon.
De Médine en
622 à Glasgow en 2001, Giroud nous guide allègrement à travers les méandres de
l’histoire de l’Europe et du Proche-Orient. Le génocide arménien, la Révolution
française, la campagne d’Égypte, l’après-guerre en Yougoslavie deviennent
quelques-uns des théâtres où se joue le sort de ces sourates sacrilèges.
Le
Décalogue avec son rythme enlevant, ses inquiétantes plausibilités et ses
résonnances actuelles contient tout ce qui me séduit dans une œuvre consacrée à
la conspiration. Avec un petit faible pour le 4e tome, Le serment. Pour
le dessin de TBC bien sûr. Mais surtout pour les tractations hautement
contestables du Vatican pour protéger certains nazis ou collaborateurs
volontaires et enthousiastes du 3e Reich.
Décidément
on ne s’en sort pas. Le Vatican est toujours au cœur des complots religieux.
Didier
Convard, Pierre Wachs,
Gine, Denis Falque, Patrick Jusseaume, Jean-Charles Kraehn, Éric Stalner, André
Juillard et Gilles Chaillet, Le triangle secret, Glénat.
Frank
Giroud, Béhé, Jean-François Charles, TBC, Bruno Rocco, Alain Mounier, Paul
Gillon, Lucien Rollin, Michel Faure, Franz, Le décalogue, Glénat.
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