Lapinot, l’humour entre midi et quatorze heures.
Par Robert
Laplante
Parfois, les
héros de bandes dessinées meurent. C’est souvent une bonne idée de les faire
disparaitre. Parce qu’ils n’ont plus rien à dire, parce qu’ils tournent en rond
ou parce que le ou les créateurs se sont rendus au bout de leurs idées. Parfois
on les assassine alors qu’ils en avaient encore beaucoup à dire ou à vivre.
À l’occasion on décide même de les ressusciter
parce qu’on pense qu’ils sont encore pertinents et qu’ils n’ont pas tout dit.
Ce n’est pas toujours la meilleure idée. Les cimetières du 9e art
sont remplis de ces fausses bonnes idées. Mais à l’occasion cette renaissance
ouvre la porte à quelque chose d’exceptionnel. C’est le cas de Lapinot le héros
le plus improbable du 9e art. Rarement depuis la résurrection de
Lazare aura-t-on vu un retour aussi réussi.
Comment
résumer : Midi à quatorze heures, sa toute nouvelle aventure ? Une
excellente question. Est-ce qu’on peut vraiment résumer Midi à quatorze
heures ? Hum ! That is the question, comme le disait si justement Hamlet.
En tout cas moi je ne peux pas. Peut-être que vous, vous le pourrez après sa
lecture. Mais sachez qu’il est question dans ce nouvel album de l’assassinat
d’un Président de la République, de relation amoureuse, de séparation, d’art
conceptuel, de révélations surprenantes sur la jeunesse de notre lapin et de
mots indescriptibles qui donnent beaucoup de points au scrabble et un petit
sentiment de supériorité face à vos amis. Le tout agrémenté des réflexions
caustiques et bluffantes de son sympathique meilleur ami et casse-pied de
première Richard. Réflexions qu’il assène avec beaucoup de générosité et de
plaisir.
Mais ça, Richard
l’a toujours fait. Non, la nouveauté ici c’est qu’il est presque le véritable
héros de l’album. Peut-être que mon enthousiasme me fait exagérer un peu, mais
il est vrai, que j’attendais avec impatience chacune des ses vannes, que je goutais
avec plaisir chacune de ses interventions aussi déjantées, qu’absurdes. Surtout
celles qu’il servait avec une méchanceté bienfaisante à ces artistes
conceptuels. En quelques mots il a mis en lumière toute la prétention, le
ridicule et la vacuité de ce minuscule monde fat et condescendant. Un grand
moment qui m’a fait penser aux meilleurs sketchs des Monty Python.
Richard, qui
sait transformer n’importe quelle scène du quotidien en véritable catastrophe, est
la personne parfaite pour ébranler la superbe de ce petit univers avec quelques
répliques savoureuses. Un peu, comme le Peter Sellers de The Party, vous
savez quand il foutait le bordel malgré lui dans une réception hollywoodienne,
Richard, mais je ne suis pas certain si c’était inconsciemment, sème les
graines de la destruction chez ces branchés, hautains et opportunistes. Mais
pour ne rien vous cacher, Richard fout toujours le bordel partout où il passe. Et
c’est aussi pour ça que je l’aime.
Quant à
Lapinot, il ne faut pas se leurrer, il est ici plus proche d’un faire-valoir
que d’un véritable héros. Manifestement son bel emmerdeur d’ami prend tout
l’espace. Comme si Richard avait échappé à Trondheim et qu’il réclamait lui
aussi sa propre aventure. À moins qu’il ne squatte les planches de son ami,
histoire de les transformer en une véritable descente au cœur de son délire
hilarant.
Vous avez
compris. Je suis un admirateur depuis toujours de Lapinot. J’étais un de ceux
qui pleuraient son absence et je suis un de ceux qui célébraient avec
enthousiasme sa résurrection. L’imagination débridée de Trondheim, l’exubérance
de ses dialogues, l’absurdité de ses scénarios et l’humour de son trait rendent
son univers irrésistible.
J’attends toujours avec impatience et
fébrilité ses nouvelles apparitions de Lapinot. Comme j’aime redécouvrir ses
anciennes aventures qui me surprennent toujours, et ce, même si je les ai lues
plusieurs fois.
Et puis
grâce à Trondheim je sais maintenant ce que veut dire gobichonner. Si je
pouvais maintenant savoir combien de points ca vaut au scrabble.
Lewis
Trondheim, Midi à quatorze heures. L’Association.
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