Irish Melody : Des bleus, des gris et des… verts.

 

                                                      


Par Robert Laplante

Dans presque un mois, le 17 mars, plus précisément, nous allons pouvoir devenir un Irlandais, du moins pour un jour. S’habiller en vert, boire une excellente Guinness, une Harp ou un Connemara Peated Single Malt, chanter à pleins poumons Wild Rover ou Whiskey in the jar, danser à en perdre pied, déguster un succulent ragoût irlandais et espérer que le maudit hiver soit enfin chose du passé. En attendant ce moment béni, nous allons lire la dernière aventure des Tuniques bleues qui se consacre aux bataillons irlandais nordistes et sudistes.

À la recherche de Blutch, encore une fois disparu, l’ineffable sergent Cornelius Chesterfield s’invite par inadvertance aux célébrations de la Saint-Patrick de la brigade irlandaise de l’Union. Par une farce du destin, dont seules les Tuniques bleues ont le secret, Chesterfield, fait copain-copain avec le Capitaine Patrick Dougherty, un Irlandais à la recherche d’un lointain cousin américain qui par hasard se nomme lui aussi Cornelius Chesterfield. Décidément le monde est plein de coïncidences.

Comme notre sergent préféré est roux à l’air vaguement irlandais, il n’en faut pas plus pour que le doute germe dans l’esprit des deux lascars. Et si Cornelius était ce fameux cousin Irlando-Américain? De quoi ouvrir la porte à de sympathiques quiproquos et de cocasses imbroglios.

Pour ce 66album des Tuniques bleues avec un nouveau scénariste (si nous faisons abstraction de L’envoyé spécial album hommage de Munuera et BeK) Irish Melody est consacré à la contribution irlandaise lors de la guerre fratricide américaine. Ces Irlandais, victimes de la Gorta Mór, cette grande famine qui a sévi entre 1842 et 1852, quittaient leur verte contrée, séduits par les promesses d’opulence de l’Amérique. Là où on pouvait rêver de vêtements cousus d’or et brodés d’argent.

Cela peut surprendre, mais c’est la première fois que Lambil abordait l’apport irlandais. Peut-être parce qu’il n’en avait jamais trouvé l’occasion? Il l’a trouvé avec ces brigades irlandaises, autant bleues que grises, qui s’affrontent dans un absurde ballet pathétique où frères et cousins s’entredéchirent et servent de chair à canon, sacrifiée par les états-majors des deux côtés. Ces brillants stratèges militaires qui» espèrent pas mener à l’abattoir les bons fils de l’Amérique. Une victoire à la Pyrrhus, on veut bien, pourvu que ce ne soit pas nos bons «de souche» qui en fassent les frais. Toutefois, si on peut repérer quelques «étrangers» qui souhaitent démontrer leur loyauté à la société d’accueil alors là pas de problème.

                                                      


Si l’on fait exception de L’envoyé spécial, ça fait longtemps qu’une Tuniques Bleues ne m’avait pas autant amusé. Ça fait un bail que j’avais le sentiment que les deux auteurs étaient sur le pilote automatique, ré exploitant constamment la formule qui avait fait leurs succès dans les années 70.

Mais avec cette mélodie irlandaise, j’ai l’impression qu’on a insufflé un vent d’air frais à une série qui en avait bien besoin. Lambil y semble beaucoup plus à l’aise que dans Où est donc Arabesque? Où on ne retrouvait plus le côté méticuleux qui avait fait son charme. Ici, il est en grande forme et ses nombreuses scènes de batailles, notamment celles pleines de neige, m’ont permis de renouer avec le Lambil que j’aimais tant. Parce que oui j’ai beaucoup apprécié jadis les Tuniques bleues et encore aujourd’hui j’y suis attaché émotivement.

                                                   


C’est peut-être du côté de l’intrigue que j’ai été le plus satisfait. Bien sûr, Kris ne s’écarte pas trop des codes «cauviniens.». Même si la narration reste classique, il n’hésite pas à amener ses protagonistes sur des chemins moins empruntés que par le légendaire scénariste. Il décide de briser le mythique duo, laissant à chacun le plaisir de mener son propre bout de l’histoire. Et pour une fois, c’est Blutch qui part à la recherche de Chesterfield enrôlé dans cette brigade d’une nation dont il croit être un de ses très lointains fils.

J’aime bien cette modeste brise qui dépoussière légèrement l’univers typé de Blutch et de Chesterfield.

Et puis pour un amateur de musique celtique comme moi, c’est toujours agréable d’entendre ces chansons irlandaises qui sentent bon le printemps. Surtout après la dernière vague de froid et cette maudite neige que ne cesse jamais de tomber.

Bon allez, je me verse une petite Kilkenny en écoutant le CD de Van Morrison et des Chieftains.

Willy Lambil, Kris, Irish Melody, Dupuis.

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