Ringo : Sur les plaines de l’Ouest classique.

 

                                                                  


Par Robert Laplante

Parmi mes bédéistes préférés, il y a constamment eu William Vance. Ma liste a souvent changé au fil de mes découvertes et de l’évolution de mes goûts et de ma personnalité. Mais Vance, tout comme Hermann et Giraud, a toujours été là. Et ce, depuis très longtemps.

Depuis mon secondaire 2 en fait. Le jour où la bibliothèque de l’école Marius-Barbeau avait fait l’acquisition d’un nombre important de bédés réalistes. Du lot, trois séries avaient beaucoup impressionné le jeune adolescent que j’étais. Jeremiah et Comanche de Greg/Hermann et Bruno Brazil du même scénariste et de William Vance. Trois séries coups de poing qui m’ont fait quitter avec fracas le monde de la bande dessinée jeunesse. Comme j’étais aussi un grand passionné des romans de Bob Morane, je me suis aussi jeté sur ses adaptations dessinées par Vance. Bref, tout un préambule inutile pour dire qu’entre Vance et moi, c’est une longue histoire d’amour.

Du moins pour le Vance de Bruno Brazil, de Bob Morane, de XIII et dans une moindre mesure de Ramiro. Pour le reste, Howard Flynn, Bruce J Hawker et Ringo. Bien sûr je les connaissais de nom, j’avais lu ici et là quelques planches, mais je n’avais jamais accroché. En tout cas pas comme pour ses autres héros de papier.

                                             


Quand j’ai vu que Le Lombard lançait une nouvelle intégrale de Ringo, une nouvelle parce qu’en 2004 l’éditeur en avait déjà publié une en deux tomes, j’en ai profité pour enfin lire ses longues chevauchées à travers les magnifiques paysages du Vieil Ouest américain.

D’emblée, il faut préciser que Ringo est un personnage mineur dans l’univers «vancien.» Convoyeur de fonds pour les Wells Fargo et fine gâchette, Ringo foula les pages du Journal de Tintin de 1965 à 1977. Épisodiquement, parce qu’à mesure que les autres séries de Vance devenaient populaires et occupaient presque toute son époque, le pauvre Ringo rongeait son frein dans son Far West immuable, en attendant que son créateur lui consacre quelques moments. Difficile dans la vie des héros à temps partiel.

Avec le résultat que d’une aventure à l’autre il évoluait graphiquement et psychologiquement, trop rapidement peut-être? Ringo n’a pas eu la chance que Blueberry. Ce dernier ayant mûri tranquillement au fil des albums sans trop déstabiliser le lecteur que je suis.

                                                  


Œuvre de jeunesse de Vance, c’est quand même sa seconde série après Howard J Flynn créée en 1964. Ringo contient tous les défauts et toutes les qualités de ces premiers galops d’essai. Le bédéiste à 30 ans au moment de sa naissance. Bien qu’il ait une expérience en publicité et aux studios de Dino Attanasio, où il collabore aux aventures dessinées de Bob Morane, La terreur verte et Le Collier de Civa, et qu’il illustre depuis 1952 des récits pour le Journal Tintin, son trait ne s’est pas encore différencié des poncifs graphiques de l’instant. On le sent mal assuré et le souffle épique qui va animer ses grandes séries est plutôt timide.

Inspiré par les westerns cinématographiques, ceux avec Gary Cooper, Burt Lancaster et autres Randolph Scott, Ringo, dans ses premières histoires du moins, ne se démarquent pas de la production western de l’époque. Ni dans la narration, ni dans les dialogues ni dans le montage où on le ressent étouffé, ni dans le dessin. On n’y retrouve pas les promesses d’une série emblématique qu’on pouvait déjà rencontrer dans les premiers Blueberry.

Si le trait des premières galopades de Ringo est très classique, celui de ses dernières randonnées se rapproche beaucoup plus de celui qui a fait sa renommée. Peut-être même trop puisque quelques fois j’ai eu l’impression de me repérer dans les sentiers graphiques que parcouraient Morane, Brazil et XIII.

Idem pour sa narration, trop gentille, qui respecte en tout point les codes du western. Même s’il est vrai que Trois salopards dans la neige, où il s’amuse dans les grands espaces enneigés de l’Ouest, laissait entrevoir quelques nouvelles possibilités enthousiasmantes pour la série.

Si j’ai prisé, mais avec quelques réserves, l’intégrale de Ringo, je déplore quand même sa pauvreté. J’aurais apprécié un dossier de mise en contexte, comme en écrit par exemple Patrick Gaumer, pour mieux comprendre son évolution graphique et scénaristique. Dommage parce que notre convoyeur de fonds aurait bien mérité cette petite contextualisation.

Bref une intégrale attrayante mais pour les amateurs de Vance, de western et d’histoire de la bédé.

William Vance, Jacques Acar, Yves Duval, André-Paul Duchâteau, Intégrale Ringo, Le Lombard

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023