Le passager du Polarlys : Au nord la délivrance.

 

                                                                       




                                                           

Par Robert Laplante

Tous les amateurs du genre le savent. Il n’y a rien de mieux qu’un crime dans un endroit isolé. Comme un chalet, en plein milieu de nulle part, des ruines antiques, un train de luxe bloqué dans des montagnes enneigées ou mieux encore un bateau. Alors là, le bateau, il faut bien le dire, c’est le top du top. Imaginez, être coincé dans un rafiot qui vogue dans l’immensité de la mer. On ne peut pas demander un meilleur lieu anxiogène. Là, où l’inimaginable peut se produire.

Le Polarlys, est un de ces bateaux qui longent les côtes des mers du Nord et de la Norvège. De Hambourg jusqu’à Kirkenes, dernière ville avant la frontière soviétique, le tramway, comme aime l’appeler les Norvégiens, s’arrête dans tout ce que le pays des Fjords compte de ports. Pour y décharger ses machines, ses vaches, ses cochons, ses autres marchandises et ses passagers… et en embarquer d’autres aussi.

Parmi ceux-ci se cache un individu recherché par la police française pour le meurtre de la jeune Marie Baron. Un meurtrier qui se terre dans le navire sous une fausse équivalence et qui, dès la première occasion, élimine froidement le policier à sa recherche.


                                     


Commence alors pour le capitaine Petersen, commandant du Polarlys, une discrète enquête pour découvrir son identité. Une tâche qui loin d’être facile parce que des types louches il y a plusieurs parmi ses passagers et les membres de son équipage. De quoi lui donner bien des maux de tête. Comme s’il n’en avait pas déjà plein les bras, avec cette mer agitée où brouillard et tempêtes hivernales peuvent causer bien des dommages.

Bref, le théâtre parfait pour une intrigue policière haletante qui vous force à porter une attention constante à ces damnés indices disséminés un peu partout. Un prérequis essentiel pour ne pas, comme moi, se retrouver totalement dans le champ. Manifestement, il est loin le temps où je devinais, tel un Hercule Poirot rosemontois, que le meurtrier du docteur Lenoir était le colonel Michael Moutarde qui à coup de chandelier avait assassiné le disciple d’Hippocrate dans la bibliothèque.

                                          


Adaptation BD du premier roman « dur » de Simenon : Le passager du Polarlys est un petit bijou qui m’a scotché sur ma chaise tant j’ai été absorbé par cette enquête policière où le diable se cache dans les détails.

                                                       


Il faut confesser que j’étais déjà un peu vendu d’avance. Bien que je ne sois pas un aficionado de Simenon, j’avoue que j’aime bien le fréquenter, de temps en temps. Quand le parfum discret et réconfortant de l’avant 1960 m’envahit, rien ne vaut alors un Simenon et ses enquêtes policières toute en nuance, en intelligence, en déduction, en interrogatoire et sans violence tonitruante à la Dirty Harry.

Mais si j’étais vendu d’avance, c’était aussi parce que l’adaptation est signée José-Louis Bocquet dont je savoure chacune de ses bédés. Grand maître des atmosphères, Bocquet valse avec grâce dans ce petit univers clos aux sonorités d’un monde sur le point de s’effondrer. Un petit monde truffé de non-dits et qui derrière une politesse obligée se révèle brutal, sadique et impitoyable.

                                                     


Bocquet met en scène efficacement la musicalité des mots de Simenon, les mélodies de ses ambiances et le rythme de son intrigue. Comme s’il les avait lui-même créés. Comme si ses propres préoccupations trouvaient une résonance dans celles du mythique romancier belge.

Christian Cailleaux, quant à lui, fait un boulot du tonnerre. Avec son style un peu vaporeux, le dessinateur nous donne l’impression d’être, nous aussi, dans ce paquebot de la mort, transit par le brouillard inquiétant, déséquilibré par le roulis qui entraîne le bateau dans une danse tourmentée, frigorifiée par le froid qui envahit chaque interstice du navire. Si un vieux roublard d’un pays nordique comme moi a ressenti la froidure mordante de la mer de Norvège, c’est que Cailleaux l’a diablement bien dessiné.

En conclusion, Bocquet propose un intéressant petit dossier sur Simenon, ses romans « durs » et sur Le passager du Polarlys. Roman qui lui a été inspiré par son propre séjour sur ce bateau qui naviguera en eaux norvégiennes jusqu’en 1963. Mais chut, je ne peux et ne veux pas vous en dire plus.

Pour le reste il faut acheter Le passager du Polarlys et déguster chacune de ses pages. Histoire de bien goûter la verve de Simenon, l’intelligence de Bocquet et la sensibilité graphique de Cailleaux.

Une petite croisière dessinée en Norvège pour finir l’été, ça vous intéresse ?

José-Louis Bocquet, Christian Cailleux, d’après le roman de Simenon, Le passager du Polarlys, Dargaud.

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