Touchez pas au grizzli

 

                                                        


Par Robert Laplante

J’ai découvert l’univers d’Albert Simonin au milieu de l’adolescence. Pas par ses romans, mais plutôt par les cinéastes et les scénaristes, comme Lautner, 

                                                     


Giovanni ou Audiard, qui exploraient les territoires que l’auteur du Cave se rebiffe avait défriché. Des films dont je me délectais à chacun de leurs passages sur les ondes de Radio-Canada. Mais ça, c’était à l’époque où le diffuseur public en passait encore. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

                                                           


Certes je l’ai découvert à l’adolescence, pourquoi ? Parce que j’ai grandi en lisant les Gil Jourdan de Tillieux, une série que j’adorais et qui avait la même langue généreuse, imagée et pleine de vie que celle de Simonin et de ses émules.

                                      


Depuis, je suis toujours sous le charme de ces romans policiers qui sentent bon la France d’avant les années 70, peuplées de ces petits malfrats forts en gueule, gouailleurs irrésistible à la répartie assassine, arrogante et amusante. Des polars que je fréquente toujours avec autant de plaisir et dont j’ai retrouvé l’atmosphère dans la sympathique nouvelle BD de Matz et Simon Le Grizzli un drôle de chabanais.

Le Grizzly, c’est un ancien boxeur ainsi qu’un ex-para de l’époque de l’Indochine. Mais le Grizzly est plus que cela. Défunt voleur de voitures, et propriétaire d’une concession de Citroën. En ce mois de juillet 1967, il reçoit un appel de Toine, son pote de jeunesse, d’armée et de crimes. Ce dernier lui demande de le rejoindre au resto de leur troisième complice de toujours Jo. Jo qui semble dans les blèmes jusqu’au cou.

Bébert-la-gambille vient de sortir de la Santé, la tristement célèbre prison de Paris. Bébert, qui ne fait pas dans la dentelle, est certain que c’est non seulement Jo qui l’a balancé, mais qu’en plus il lui a chouravé son grisbi.

                                         


Pour Toine et le Grizzly, l’amitié c’est du sérieux, même dans les coups foireux. Ils répondent donc présents, pour aider leur vieil ami à se soustraire du Bébert. Et comme si ce n’était pas suffisant, il y a aussi cet inspecteur Gourmé dit la ventouse qui ferait tout pour le coincer le Bébert. C’est qu’il a un ancien compte en souffrance à régler avec la gambille l’inspecteur. Et nous avons que les poulets ont la mémoire longue.

Amusante bande dessinée ; Le grizzli un drôle de chabanais est un bel hommage à l’imaginaire de Simonin et à un certain polar « made in France ». » Matz s’amuse comme un petit fou dans cette hilarante bande dessinée à la langue colorée et rythmée. Très respectueux des codes du genre, le scénariste nous transporte dans un univers teinté de nostalgie et d’humour qui tranche avec l’imposante production du polar glauque, tonitruant et hyperviolent.

                                                 


Appuyé par le dessin enthousiaste, bon enfant et dynamique de Simon, qui sied parfaitement à cette ambiance pleine d’une nostalgie, Matz propose une amusante petite bédé à l’intrigue simple et efficace. Un choix qui fait du bien dans cette ère d’intrigues tellement alambiquées, et bien souvent verbeuses, qu’elles finissent par se noyer dans les méandres des prétentions des auteurs qui se servent du polar pour faire du roman social. Une bédé qui m’a fait passer un bon moment et qui m’a surtout donné envie de me replonger dans les romans de Simonin. Ce que je n’ai pas fait depuis des lustres.

Même si la fin est un peu décevante, du moins pas à la hauteur du reste de l’album, Le Grizzly est la bande dessinée parfaite pour cette fin d’août, quand les parfums de l’été s’estompent et que le glas de la rentrée scolaire se fait entendre au loin.

Matz/Simon, Le grizzly un drôle de chabanais, Dargaud

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023