Otis Redding, Mr Pityful

                                                             


Par Robert Laplante


En librairie au Québec, le 8 octobre

Cleveland, Ohio. Dans les décennies 60 à 80 ; The Mistake on the Lake, comme on aimait la surnommer, était particulièrement moche. Surtout quand la météo était horrible comme ce 10 décembre 1967. Déjà, qu’elle n’était pas terrible quand il faisait soleil alors imaginez alors que le mauvais temps s’en mêlait. Rien n’était plus triste, dans ces années-là, que Cleveland balayée par la pluie, le vent et le froid. À part peut-être Venise au temps des amours mortes. Tellement triste qu’on avait envie de la quitter subito presto et en avion si possible. Mais que faire quand les conditions météorologiques rendaient difficiles les vols ? Attendre le soleil ?

                                               


Otis Redding n’a pas le temps d’attendre qu’il daigne pointer le bout de ses doux rayons. Le roi de la soul a des contrats à respecter. Il doit absolument prodiguer sa soul à tous ceux qui en ont besoin. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux à en avoir besoin en cette période de grands bouleversements sociaux. Et puis, quand on y pense bien, de Cleveland, Ohio à Madison, Wisconsin c’est presque une promenade de santé. Rien de bien inquiétant d’autant plus que son avion personnel en a vu d’autres.

Pourtant à l’approche de Madison l’appareil se brise dans les eaux glacées du Lac Monona, mot Winnebago signifiant magnifique. L’écrasement est catastrophique, le pilote, Otis Redding et 5 des 6 musiciens présents perdent la vie. Seul Ben Cauley des Bar Keys survivra à la catastrophe.

Si l’accident d’avion du 3 février 1959, qui emporta Ritchie Valens, The Big Booper et Buddy Holly, est souvent considéré comme la journée où le rock’n’roll est mort, et même la musique selon la chanson American Pie de Don McLean, celui du 10 février est sans contredit celui de la soul. Celle où la voix d’Otis Redding, quelques jours avant la sortie de (Sittin’ On) The Dock of the Bay, 

                                       


cessa d’illuminer les vies de ses légions d’admirateurs de toutes couleurs, de toutes nationalités, de toutes langues, de toutes classes sociales et de toutes confessions.

                                         


Une fin tragique et une entrée fracassante dans la légende pour celui qui s’imposa dans les années 60, comme une de plus importantes voix soul autant par la communauté noire et que blanche. Une voix qui triompha même en plein territoire hippie comme au légendaire Filmore West

                                 


 de Bill Graham à Frisco,  ou au Festival international de musique pop de Monterey.

                                          


 Mythique festival où se retrouvait toute la crème de la contre-culture musicale dont : Jefferson Airplane, Country, Joe and the Fish, Jimi Hendrix, Grateful Dead, Buffalo Springfield, The Who.

Otis Redding la soul dans la peau, la toute nouvelle bédé de la maison d’éditions Petit à Petit, raconte justement cet irrésistible parcours sur fond de lutte pour les droits civiques et de tremblements de terre sociaux qui chamboulent l’Amérique.

Tony Lourenço et une douzaine de dessinateurs proposent un Otis Redding. Authentique éponge musicale qui se nourrit autant de James Brown que de Sam Cooke, Sam and Dave, Little Richard, Johnny Jenkins et de toutes les autres voix qui ont façonné la musique noire américaine.

Véritable petit plaisir, la bédé, qui doit se lire en écoutant sa musique dont sa fabuleuse version de (I Can’t Get No) Satisfaction,


                                  


 souffre quand même d’un manque d’unité graphique. Un problème commun à plusieurs bédés de ce genre. Certains chapitres sont totalement formidables alors que d’autres sont beaucoup plus faibles avec des traits moins assurés, moins à l’aise ou incapables de rendre justice à son épopée musicale.

Et puis il y a ce petit argot rock’n’roll au parfum de Best, de Rock’N’folk, de la traduction française de Sid et Nancy et d’Almost Famous qui peut quelques fois rendre le propos un peu risible et briser l’authenticité et l’atmosphère de la bd. Si ce vocabulaire, un brin caricatural, fait le charme des Lucien de Frank Margerin, il est beaucoup moins efficace dans des bandes dessinées musicales moins humoristiques.


                           


Mais bon, ces tout petits défauts n’ont rien enlevé au plaisir que j’ai eu à lire cette biographie dessinée sur un des plus grands chanteurs de l’Amérique, Un chanteur qui avait refusé Just Like a Woman que lui offrait Bob Dylan. Faut quand même le faire. Une belle façon de découvrir ou de redécouvrir l’immense place que le chanteur, né à Dawson en Géorgie, occupe dans notre patrimoine musical occidental.

Manifestement Monoma n’aurait pas dû s’appliquer au lac près de Madison mais à Otis Redding lui-même

Tony Lourenço et al. Otis Redding la soul dans la peau, éditions Petit à Petit.

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