Le mystère du col Dyatlov : Morts en Oural.

 

                                                                  


Par Robert Laplante

La Russie m’a longtemps semblé énigmatique. Un rébus enveloppé de mystère au sein d’une énigme, comme aimait le dire Churchill. Comme si tout ce qui s’y tramait était toujours couvert des brumes du secret et de l’inexplicable. De quoi faire frémir l’imaginaire des amateurs d’inconnus, des auteurs talentueux et des conspirationnistes de tout acabit.

Parmi toutes ces énigmes, il y a la mythique explosion de Toungouska. Vous savez cette titanesque déflagration, mille fois plus puissante que celle d’Hiroshima, qui détruisit, en 1908, 20 kilomètres de forêt autour de la rivière sibérienne Toungouska Pierreuse. Ainsi que la mort inexpliquée de neuf randonneurs au col Dyatlov dans le nord de l’Oural en 1959.


                                    


L’affaire du col Dyatlov m’était inconnue jusqu’en 2016. Tout simplement, parce que c’est l’année où un de mes journalistes préférés Christian Page publia L’enquêteur du paranormal au cinéma, un passionnant bouquin où il parlait des adaptations cinématographiques de quelques énigmes célèbres du paranormal. Évidemment, le col Dyatlov y figurait. Depuis cette histoire m’habite. Alors quand j’ai vu que Alejandro González et Cédric Mayen s’y frottaient, j’ai voulu lire leur bédé.

Sverdlovsk, Sibérie occidentale, 16 février 1959. Une froide journée comme la Sibérie en connaît tant. Glaciale et peut-être même trop. En tout cas elle l’est pour Lev Nikititch Ivanov qui reçoit la visite de l’inquiétant KGB. Il n’est pas question qu’Ivanov prenne le chemin d’un goulag… enfin pas tout de suite. Il est un des enquêteurs les plus méticuleux de l’Union soviétique. La mort indéterminée de 9 trekkeurs, étudiants à l’Institut polytechnique de l’Oural, près du col de Dyatlov, commence à agacer les hauts dirigeants du pays. En plein congrès du Parti communiste, il est fondamental de dénicher une solution. Être incapable de résoudre l’affaire ne serait pas une très bonne publicité pour l’efficacité russe.

                                      


Ivanov est donc mandaté pour enquêter sur ces morts mystérieuses. Il doit trouver une réponse qui pourrait rassurer tout le monde et peut-être même sauver la face de l’appareil judiciaire soviétique. Mais rien ne justifie ces morts, ni la météo, ni le terrain, ni l’inexpérience de certains trekkeurs, ni de possibles mauvaises décisions des meneurs qui eux sont expérimentés.

Le pouvoir soviétique a besoin d’une explication plausible, même si c’est un mensonge qu’on devra par la suite ensevelir sous une Chappe de silence. Ce qui n’empêche pas les rumeurs les plus folles de se propager. D’autant plus que certaines mauvaises langues considèrent la région comme un terrain d’essai pour les nouvelles armes secrètes de l’URSS. De quoi nourrir les fantasmes débridés de tout amateur de mystères qui se respecte.

                                             


Jandro et Mayen y ont vu une fabuleuse matière pour une bande dessinée. Un presque documentaire qui se lit comme un bon thriller. Les deux auteurs suivent méticuleusement la piste explorée par Lev Nikititch Ivanov. Incapable de trouver une réponse satisfaisante et qui doit subir les pressions de l’armée et du pouvoir qui entreprennent d’orienter l’instruction.

À la manière de l’équipe de BAU de la célèbre série télévisuelle Esprits criminels, Ivanov tente d’entrer dans la tête des 9 trekkeurs, histoire de reconstituer leurs dernières journées avant que le froid ne les tue ou autre chose.

                                       


Adroitement, le scénariste nous présente autant l’enquête que les dernières journées de trekkeurs comme si nous y étions. Plus que des lecteurs, nous devenons les témoins de leurs ultimes instants.

Appuyé par le dessin efficace, élégant et un brin classique de Jandro qui se met totalement au service du récit, Mayen nous projette dans un mystère qui s’épaissit de page en page. Une brume insaisissable où toutes les possibilités peuvent exister… même les plus folles.

La sympathique BD se termine par un dossier qui fait le tour de leurs recherches et des différentes hypothèses scientifiques, comme le vent catabatique ou l’avalanche de plaques, qui pourraient tout expliquer.

Et si les auteurs ont su constamment nourrir notre besoin de cabale, ils en rajoutent une couche dans ces dernières pages en abordant l’entrevue avortée avec Teodora Hadjiysaka. Fondatrice du site de référence Dyatlovpass.com, qui après avoir accepté de leur parler n’a plus jamais donné signe de vie. Hum, étrange !

                                        


Si un jour, nous découvrons enfin ce qui s’est véritablement passé, la légende du col Dyatlov continuera à titiller les scénaristes prolifiques, les romanciers de talent, les amateurs de mystères et les complotistes en manque de conspirations.

Jandro et Mayen, Le mystère du col Dyatlov. Le Lombard

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023