La bête : Escapade « marsupilamienne » à Bruxelles.

 

                                                              


Par Robert Laplante

Il y a 100 ans, le 3 janvier passé, naissait l’un des monuments du 9art : André Franquin. Un grand maître dont les albums ont fortement imprégné notre imaginaire collectif. À tel point, que nous avons tous notre André Franquin. Pas pour rien que les reprises de ses créations soulèvent autant de passion sur les réseaux sociaux… pour le meilleur et pour le pire.

Si les réactions pour le Gaston « nouveau », que j’ai beaucoup aimé, ont été un peu trop intenses, je ne pense pas que ça soit le cas pour le second et ultime tome de La bête de Zidrou et Frank Pé. Pourquoi ? Parce qu’il est tout simplement magnifique. Je ne vois pas comment on pourrait ne pas être séduit par ce dernier opus.

                                        


La bête raconte les premiers pas belges du marsupilami. Des premières foulées qui se sont fait bien avant sa rencontre avec Spirou. La Belgique n’était pas inconnue du singe jaune à la longue queue, il l’avait déjà visitée. À son corps défendant, il est vrai.

Kidnappé par les Chahutas, une nation autochtone palombienne, qui le vendent à des trafiquants d’animaux, Marsu se f » ait la malle » dès son arrivée à Anvers. Son évasion le mène chez François, un jeune gamin, fruit d’une union entre une Belge célibataire et un soldat allemand. Ce qui ne pardonne pas, dans une société ultra catholique et traumatisée par l’occupation allemande comme la Belgique.


                                           


. Les mauvaises langues sont légion dans cette banlieue bruxelloise déprimante. Quelques voisins un peu trop vindicatifs ne se gênent pas pour dénoncer à la fourrière la présence de cette singulière créature qui s’empresse de l’emprisonner. Mais pas juste Marsu, toute la ménagerie de François goûte à la médecin de ses fonctionnaires zélés.

François a la tête dure. Tellement qu’il décide de faire évader son nouvel ami et de l’emmener en Allemagne où il espère retrouver son père, le sien, pas celui, de Marsu. Mais, comment rejoindre l’Allemagne quand on est un gamin, qui n’a pas d’argent, accompagné étrangement d’un singe qui sème la pagaille partout où il passe. De plus, ils sont poursuis par la maréchaussée, ainsi qu’un cryptozoologiste en quête de gloire, de reconnaissance. Et qui rêve de faire la page frontispice du National Geographic et des autres revues de cet acabit ?

                                                


Bande dessinée attachante, le tome 2 de La bête est immense. Une véritable leçon de dessin, de narration et de poésie qui aurait fait, je crois, la joie d’André Franquin. Mais là je m’avance.

Si Bravo m’avait soufflé avec ses relectures de Spirou, on peut dire la même chose de celle de Zidrou et de Pé. Le tandem a proposé un superbe récit plein de vie, de rythme et de personnages authentiques, pas toujours sympathiques, quelques fois mesquins, parfois ridicules ou maladroits, mais profondément humains. Un portrait touchant d’une certaine Belgique d’avant les années 60.

Drôlement bien menée par un Zidrou en très grande forme et par un Frank Pé dont le graphisme est à couper le souffle, La bête regorge de petits moments d’émotion qui m’ont rendu quelques fois heureux ou triste, mais qui m’ont souvent ému. Comme cette rencontre improbable entre Tintin et Marsu devant un théâtre bruxellois, ou encore la mort de ce dernier électrocuté dans un tram. Mais chut, je ne vous en dévoile pas plus.

Si le scénario de Zidrou m’a autant séduit, c’est aussi parce qu’il est illustré admirablement par Pé. Sa Belgique banlieusarde et hésitante, coincée entre un monde traditionnel qui s’écroule et une modernité qui se pointe le bout de son nez, semble tellement vivante qu’on a l’impression de s’y promener, de la sentir, de la goûter, bref, d’en faire partie. Chaque case que le bédéiste propose est essentielle, pas un de ses traits n’est de trop, tout est à sa place et enrichi une narration déjà irrésistible.

                                           


J’avais adoré le premier tome, mais là je dois dire que cette conclusion lui est supérieure. Parce que tout comme le Spirou de Bravo, les auteurs ont sur lui insufflé une dose d’émotion et de poésie « franquinienne » moins présente dans le premier opus. Même si elle y était, entendons-nous bien.

Même aujourd’hui, quelques jours après l’avoir terminé, je continue à y penser comme si j’étais incapable de m’en détacher et que j’avais envie d’y retourner tout de go.

Et ça pour moi, c’est la preuve ultime d’une grande réussite.

Frank Pé, Zidrou, La bête tome 2, Dupuis.

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