Sept lunes pour tout savoir

 

                                                                

Les Sept Lunes de Maali Almeida

De Shehan Karunatilaka

Booker Prize 2022

Calmann Lévy

Voilà un des romans les plus intrigants de cette rentrée littéraire 2024. Est-ce, une une enquête policière, un voyage aux pays des songes et de croyances ou un portait cynique des violences qui animèrent et animent encore le Sri Lanka. Nous pouvons aisément répondre les trois. Né en 1975 au Sri Lanka, l’auteur fut lauréat du Commonwealth Prie pour Chinaman et en 2022, la récompense ultime avec le Booker Prize. Avec Les Sept Lunes.

De loin, je connais les barbaries qui bouleversèrent son pays d’origine. Des luttes entre clans, des exécutions infondées aux opposants du régime arbitraire, jusqu’à la guérilla tamoule qui fit je ne trop combien de morts, la ressemblance avec certains états de l’Amérique latine est frappante, religion en plus.

Nous sommes en 1990 à Colombo. Le photographe de guerre Maali Almeida vient d’être assassiné. Il se réveille dans un lieu céleste, encombré de fonctionnaires qui eux aussi ont perdu la vie et d’amis ou connaissances disparus. Tout cela pourrait être sinistre, pourtant. L’auteur manie l’humour, la dérision sur le fil de rasoir, tout en nous conduisant dans un pays gangrené par la violence ainsi que la pauvreté. Les deux premiers chapitres sont justement cette exploration ou ils discutent avec des professeurs, journalistes, activistes et opposants qui furent passés par les armes. Et malgré la gravité de la situation, c’est délirant avec un je ne sais quoi des Douze travaux d’Astérix

                                     

Avant que le cadavre de notre protagoniste ne soit jeté dans le fleuve, une proposition lui est présentée. Pendant une semaine, soit les fameuses sept lunes, il pourrait résoudre le mystère, soit celui qui l’a tué.

Un roman policier énigmatique, sans clichés, plus encore un devoir de mémoire sur tous ces disparus. Aidé d’un lexique, ce qui est fort pratique avec la consonance des noms, cette fiction évoque les méandres d’un pays autoritaire pour ne pas dire dictatorial qui a sombré dans une monstruosité. Maniant aussi bien l’humour que la vérité historique cinglante, l’auteur vous propose un étonnant voyage. Une vraie réussite qui se déguste lentement.