Horace, la kermesse de l’Ouest

 

                                                


Par Robert Laplante

Oh Mein Gott, comme disent les Allemands ! Le lapin de Pâques est passé plus tôt cette année. Chez moi, oui. En fait, il est venu il y a deux semaines et m’a laissé en guise d’étrennes du printemps le premier tome de l’intégrale d’Horace, cheval de l’Ouest que Revival vient tout juste publier.

Horace cheval de l’Ouest est une des bandes dessinées fétiches de ma jeunesse et une de mes préférées dans Pif Gadget avec Arthur le fantôme de Cézard, Teddy Ted de Forton et Lécureux, Gai-Luron de Gotlib et Rahan, fils des âges farouches de Lécureux et Chéret. Chaque fois que je me procurais un numéro de Pif, je commençais immanquablement par Horace.

Il y avait dans les gags complètement déjantés de ce cheval qui cause, et de son cavalier minus, chauve et au gros nez, fusion invraisemblable de Blutch et de Chesterfield des Tuniques bleues, quelque chose d’absolument irrésistible. Une déconnade débridée qui sentait bon l’humour bd de la fin des années 60. Quand Goscinny, Tabary, Greg, Gotlib et autres Fred arpentaient les sentiers imprévisibles de l’absurdité potache.

                            


Créé par Jean-Claude Poirier, mort beaucoup trop tôt à 35 ans, Horace et son cavalier sans nom, et ce n’est pas Clint Eastwood, parcourent les sentiers d’un Ouest aussi loufoque qu’irrationnel, peuplé de criminels pathétiques, de tuniques bleues ridicules, et de Premières Nations hilarantes.

Voguant allégrement entre l’absurde, le slapstick, le burlesque, la parodie et l’humour champ gauche, Poirier propose une excursion dans une dernière frontière pleine de non-sens, d’imbroglios, de quiproquos et de calembours assassins. Spécialiste des dictons absurdes, des clins d’œil rigolos et des lapalissades délirantes, que n’aurait pas reniées l’ancien entraîneur du Canadien Jean Perron, Horace fait penser aux vieux films de Pierre Richard, des Charlots ou du Mel Brooks des premiers temps, celui de Blazzing Saddles par exemple.

                                       


Servi, par son sympathique trait « cartoonesque, » et rond et ses séduisantes vives, carnavalesques et joyeuses couleurs, le créateur nous amène dans un délire autant visuel que scénaristique qui n’a pas pris une ride. Même si certains gags ou expressions, j’en conviens, pourraient en choquer quelques-uns aujourd’hui.

                                   


En me plongeant avec délectation dans ces 165 gags et ces 14 petites histoires de franches rigolades, publiés dans Pif entre 1970 et 1973, mais jamais en album, j’ai retrouvé exactement tout ce qui me plaisait chez lui. Tout comme j’ai compris enfin, pourquoi je cherchais depuis tant d’années des exemplaires du peu d’albums que Pif lui avait consacré. Et croyez-moi trouver ses albums en Neuve-France, c’est presque la croix et la bannière.

                                            


Mais plus que ces retrouvailles avec mon vieux pote d’enfance, l’intégrale d’Horace, comme celle de Supermatou d’ailleurs, m’a permis de goûter toute la richesse du talent de ce grand bédéiste trop vite oublié.

                                     


Maintenant si Revival pouvait consacrer une intégrale au désopilant Zorry Kid de Benito Jacovitti, qui m’a tellement marqué, ça serait tout simplement génial. Parce que tout comme Poirier j’ai l’impression que le dessinateur italien est, lui aussi, passé du côté obscur de l’oubli. Mais ça c’est une autre histoire.

Mais on ne sait jamais…

Jean-Claude Poirier, Horace, cheval de l’Ouest tome 1, Revival.

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