Wendigo : La grande traversée de Thorgal

 

                                                       


Par Robert Laplante

Nous savions que, bien avant les Basques et le Génois Colomb, les Gaulois, enfin un duo très connu d’Armoricains, avaient visité l’Amérique ! . Il est de notoriété publique que les Vikings, dont le fameux constructeur de drakkars et ami de Ragnar Lothbrok le méfiant et inquiétant Fioki, l’avaient aussi fait. Mais ce qu’on ignorait par contre c’est que le nouveau continent avait aussi été le terrain de jeu, pour une des aventures du moins, du grand Thorgal. Et pour une aventure, en voilà toute une.

Quittant Qâ, Thorgal, son épouse enceinte, son fils et son chien, essuie une terrible tempête. Un dantesque amalgame de trombes d’eau, de vents violents et de vagues immenses, orchestrées par un gigantesque serpent de mer qui les jettent sur les rivages d’une terre totalement inconnue.

Pour sauver son épouse grièvement blessée et son bébé à naître, Thorgal doit accepter, malgré lui, de combattre le Wendigo, une créature incontrôlable venue directement de l’enfer pour rayer toute présence humaine sur ce territoire. Pour Thorgal commence une chasse dont l’aboutissement risque de changer la face du monde.

                                


Contribution de Corentin Rouge et de Fred Duval à Thorgal Saga, Wendigo est une bédé incontournable dans la lignée d’Adieu Aaricia de Robin Recht. Un album qui m’a littéralement coupé le souffle et dont la lecture m’a procuré un immense plaisir.

Il faut dire que Duval et Rouge savent raconter Thorgal. Les auteurs connaissent sur le bout des doigts le fils des Atlantes. Les bédéistes peuvent ainsi dans cet album mettre en place le décor parfait, l’Amérique précolombienne septentrionale, pour qu’il puisse se rendre au bout de sa démesure. Dans ce théâtre anxiogène, baigné par les brumes du mystère et un environnement aussi inquiétant qu’hostile, Thorgal peut enfin devenir l’égal des dieux.

Dès la magnifique première case, les auteurs donnent le ton à une aventure épique. Le duo impose le rythme et l’ambiance oppressante dans lesquels va baigner cette improbable chasse. Une poursuite incertaine où Thorgal devra puiser dans ses dernières réserves d’ingéniosité et d’énergie pour combattre une menace presque invincible.

Scénariste aguerri, Fred Duval concocte un récit plein de rebondissements, de coups de théâtre et de révélations dramatiques qui sied parfaitement au légendaire Viking. Affranchi du format de 48 pages, l’album en fait 122, l’Atalante peut enfin exprimer toute sa fougue et son urgence de vivre. Un luxe que n’avaient ni Van Hamme, ni les scénaristes suivants de la série officielle, mais que Recht et Duval ont su exploiter à fond.

                                         


Drôlement à l’aise dans cette épopée, Duval a su donner le temps et la respiration nécessaires à son intrigue pour qu’elle puisse se développer naturellement. Sans nous donner l’impression d’avoir dû rattacher en catastrophe tous les fils qu’il avait déroulés tout au long du récit.

Mais l’excellent scénario ne serait rien sans les illustrations de Corentin Rouge. Tout en se moulant aux grandes qualités graphiques « rosinskiennes » le dessinateur a réussi à lui donner un souffle héroïque que je sentais moins ces dernières années. Le trait de Rouge s’impose littéralement dans cette Amérique brumeuse, inconnue, aux impitoyables paysages où le danger peut se cacher derrière chaque arbre, sous chaque pierre et dans chaque cours d’eau.

Avec sa redoutable efficacité, le dessinateur propose un récit graphique époustouflant qui tient autant de la saga des hommes du nord que du western. Son père Michel Rouge fut un des très bons dessinateurs de westerns. Comme la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre, il fut aussi l’assistant de son père sur le dernier album de la série Marshall Blueberry, Frontière sanglante. Donc, il ne pouvait qu’exceller dans cette saga fantastique nordique aux subtils parfums du western.

Alors oui, j’ai beaucoup aimé ce réjouissant Thorgal qui pour l’instant fait partie de mon top 5 des bédés de l’année. Bien sûr l’année est encore jeune, mais mon petit doigt me dit qu’il sera toujours dans mon palmarès quand 2024 nous fera ses adieux.

Corentin Rouge, Fred Duval, Thorgal Saga, Wendigo. Le Lombard

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023