Nirvana en BD : Le grunge de la mort.

                                                     


Par Robert Laplante

Le 3 février 1959, l’avion qui transportait The Big Booper,

                                             


 Richie Valens


                                             


 et Buddy Holly


                                            


s’écrasait à Clear Lake en Iowa. Une date tragique qu’on surnomme depuis : la journée où la musique est morte.

Mais la musique n’avait pas vraiment dit son dernier mot et elle ressuscita pour continuer à se réinventer. Jusqu’à sa deuxième mort, le 8 décembre 1980, lorsque Mark David Chapman abattit John Lennon


                                  


devant le Dakota Building dans la Grosse Pomme.

Toutefois le geste de Chapman n’a pas pu anéantir la musique et de nouveau elle revint d’entre les morts pour préparer son troisième décès, celui du 5 avril 1944. Date du fatidique jour où Kurt Cobain, fondateur de Nirvana et dieu du grunge, décida, à 27 ans, d’en finir avec la vie. 

                                         


Une mort qui laissa la planète musicale dans une tristesse sans nom. Celui qui avait si bien traduit les déceptions, les déchirements et le mal-être de toute une génération de mal-aimés disparaissait dramatiquement dans une confusion à l’image de cette fin d’un siècle en plein effondrement.

Pour commémorer les 30 ans de son départ, les éditions Petit à Petit ont publié le docu-bédé Nirvana en BD. Une passionnante biographie dessinée du groupe vu à travers son âme Kurt Cobain.

En 16 chapitres efficaces, complétés par de petits dossiers qui suggèrent des lectures, des films et de la musique, la bédé explore le parcours d’un musicien devenu l’emblème de l’Amérique des banlieues délavées du nord-ouest. Ces modestes villes sans personnalités, sclérosées, déchirées par leurs contradictions, sacrifiées sur l’autel des mirages du néo-libéralisme et des promesses de richesse pour tous.

                                  


Si les Simpsons avaient Springfield, Morrisey, Joy Divison/New Order, Happy Mondays, Charlatans UK, Oasis avaient Manchester, Cobain et Krist Novoselic, eux, avaient Aberdeen, une périphérie déprimée, décrépie, au futur inexistant, au présent étouffant, où il n’existait que trois routes pour s’en sortir, dont deux sans issues.

Incompris depuis sa jeunesse, victime des relations acrimonieuses entre ses divorcés de parents, impuissants de s’intégrer à une société qui ne l’écoute pas et qui l’ostracise, Cobain, incapable de se trouver une place, canalise mal ses émotions et rêve d’endroits où il pourra enfin se sentir à l’aise.

Malheureusement l’Amérique broie et rejette les marginaux et les atypiques. Une fois, l’ivresse de son rêve rock’n’roll terminée, Cobain retrouve ses vieux démons, depuis qu’il les a nourris à l’héroïne. N’oublions pas qu’il n’y a que trois routes qui permettent de quitter Aberdeen, dont deux qui sont sans issues, et manifestement Cobain a choisi une de ces deux voies. Et si on ne pouvait jamais réellement sortir, du moins psychologiquement, d’Aberdeen.

                              


Dès le premier chapitre, Gaëts le scénariste met en place l’univers glauque et catastrophé du musicien. Sous ses mots et les traits évocateurs des illustrateurs qui l’accompagnent, Aberdeen devient un véritable cauchemar en noir et gris, sans lumière, sans rédemption, noyée sous une pluie froide qui pénètre au cœur de son âme pour la pourrir encore plus.

Gaêts et ses collègues dessinateurs illustrateurs nous entraînent avec succès dans les coulisses sombres, tristes et dépressives d’une époque désespérée où le strass et les paillettes du grand cirque rock’n’roll viennent de sombrer dans les dérives des années 80.

                                    


Bien sûr il y a l’argot franchouillard rock’n’roll et certaines adaptations douteuses, lycée au lieu de High School par exemple, qui m’ont un peu tapé sur les nerfs.

Je ne suis pas un grand admirateur de Nirvana, tout comme je ne suis pas un membre de la génération grunge, même si durant mes années à CISM je m’y suis abreuvé. Mais malgré tout, Nivarna en bd m’a fasciné. Je l’ai lu avec beaucoup de plaisir et d’intérêt. Je me suis même surpris à fredonner certaines de ses chansons en lisant la bédé.

Pour moi c’est le signe de sa réussite.

Gaëts et al, Nirvana en bd, éditions Petit à petit.

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