Thorgal Saga : Au nord rien de nouveau
Par Robert Laplante
Il y a quelque chose dans l’air, peut-être en raison des changements climatiques et des vagues de chaleur répétées cet été. Je me suis récemment réengagé avec enthousiasme dans les séries Vikings, Valhalla et The Last Kingdom. Cette dernière est une adaptation des Chroniques saxonnes de Bernard Cornwell, publiées par Bragelonne. Alors, pour bien finir mon été viking, deux bédés qui se passent dans les contrées des descendants de Ragnar Lothbrok.
Un hiver éternel.
Un hiver éternel c’est le sort qui attend la planète, gracieuseté du Prince Akko, fils illégitime d’Odin et de la Reine des mers Gelées. Allié aux démons du Niflheim, le prince, qui rêve de se venger de sa reine de mère, décide d’attaquer son royaume. Royaume où repose la flamme de givre, ultime rempart contre l’hiver sans fin.
Mais voilà, la reine a de plus en plus de difficulté à entretenir la vigueur de la flamme. Elle se voit donc contrainte d’envoyer sa fille Vakya au cœur du royaume du feu, le Muspelheim. Là, où vit l’ennemi juré d’Odin, le géant Surtur. Seul le feu de son royaume peut empêcher la flamme de givre de s’éteindre.
Malheureusement, pour que la quête soit couronnée de succès, elle doit être accompagnée d’un guerrier ayant déjà vaincu les dieux : Thorgal, qui, par le plus grand des hasards, vient juste de s’échouer sur les côtes glacées de son royaume. En échange de son aide pour retrouver ses proches, Thorgal accepte de s’aventurer dans les profondeurs du Muspelheim afin d’y dérober une gerbe de feu.
Toutefois, il faut être naïf pour croire que tout se déroulera comme prévu. Après tout, nous sommes dans un Thorgal, et dans un Thorgal, rien ne se déroule jamais comme prévu.
Le quatrième opus de la série Thorgal Saga, signé Etien, Legrand et Djian, De givre et de feu est un album correct, mais sans doute le moins intéressant de cette série hommage.
Soyons clairs : les dessins d’Etien sont remarquables, captivants et inspirants. Ses scènes de tempêtes puissantes, ses paysages glacés et venteux et son passage dans les flammes de Muspelheim sont particulièrement évocateurs. Chaque trait de son crayon exprime la rudesse des lieux, la sévérité du froid et la brutalité de la chaleur qui imprègne le domaine de Surtur, un être divin. Il semble qu’Etien se sente à l’aise dans cet univers hostile et extrême.
Non, où ça cloche c’est dans le scénario de Legrand et Djian. Tout au long de ma lecture, j’ai eu l’impression que l’intrigue manquait de développement, qu’elle prenait des raccourcis et qu’elle se précipitait pour arriver à sa conclusion. Comme si les scénaristes avaient eu des ambitions trop grandes pour le temps imparti.
Peut-être que, si un deuxième tome avait été écrit, ce nouveau Thorgal aurait pu tenir ses promesses. Peut-être… Il est certain que, si le tome deux s’était passé au Muspelheim, et si le troisième avait traité de la lutte contre le prince Akko, l’aventure du viking aurait gagné en intensité. Ce n’est pas le cas actuellement.
Il est difficile de croire qu’un ennemi juré comme Surtur, qui a toujours cherché à se venger d’Odin, puisse être trompé si facilement par une princesse glaciale et un simple guerrier. Cela dit, Thorgal n’est pas un combattant ordinaire. Tout comme il semble impossible qu’Akko, qui mijote sa vengeance depuis un moment, et ses alliés démoniaques se fassent prendre aussi rapidement par notre Viking toujours aussi courageux et puissant.
Bien que l’histoire soit plaisante à lire, on remarque qu’elle manque de l’étincelle héroïque qui caractérisait les tomes précédents.
Meilleure chance la prochaine fois.
Þú munt ekki standast ! (Vous ne passerez pas !)
Parmi mes bandes dessinées préférées, figure la série « Thorgal », notamment l’épisode « Wendigo », illustré avec maestria par le talentueux artiste français, Corentin Rouge.
Manifestement, Corentin Rouge aime « LE NOOOOORD ». Il le prononce comme si c’était un cri, avec l’accent de Michel Galabru dans Bienvenue chez les Ch’tis. Après sa visite « thorgalienne » dans une Amérique du Nord de papier, voici qu’il se retrouve en plein cœur de l’Islande contemporaine avec un excellent thriller de politique-fiction, Islander.
Dans un futur proche, l’Europe est en crise. Elle subit une série de catastrophes qui la frappent de plein fouet. Dans cette Europe sinistrée, l’Islande devient la terre promise pour ceux qui veulent la fuir. Liam, victime d’un drame qui l’a détruit, décide, lui aussi, de rejoindre la terre de feu et de glace. Cependant, l’accueil n’est pas aussi chaleureux qu’on pourrait le croire. En effet, la population, submergée par l’afflux de réfugiés, se divise et se tourne vers l’extrémisme, abandonnant progressivement ses valeurs humanistes. Liam se retrouve malgré lui au cœur de ce volcan sur le point d’exploser.
Le premier volume d’un triptyque de science-fiction politique, « L’exil », est maintenant disponible en librairie. Il a déjà suscité des critiques élogieuses. Bien sûr, il y a certaines informations cruciales qui font défaut pour comprendre tous les aspects de l’histoire, mais, ce qui est formidable, c’est que nous ne sommes jamais perdus. En effet, ces éléments seront abordés dans les deux prochains volumes. J’aime à le croire.
Caryl Férey tisse une toile captivante et impitoyable autour de nous, nous retenant jusqu’à la dernière page. Contrairement aux scénaristes du dernier Thorgal Saga, qui se précipitent pour terminer leur histoire, Férey prend le temps de développer son récit et de dérouler les fils nécessaires pour nous captiver. Il nous reste maintenant à voir comment il réussira à les relier tous ensemble. Mais il lui reste deux tomes pour le faire.
Quant à Rouge, son trait élégant, redoutable, ciselé, et sa mise en scène cinématographique, d’une implacable efficacité, s’intègrent parfaitement à ce récit bien construit, au rythme soutenu, qui éveille la méfiance.
Et, même si Islander est un thriller politique-fiction classique, à l’instar de ceux que j’ai lus, il constitue une excellente réussite qui m’a permis de passer un très bon moment.
Etien, Legrand, Djian, Tatti, Thorgal Saga, De givre et de feu, Le Lombard
Caryl Férey, Corentin Rouge, Islander tome 1 L’exil, Glénat
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