Kosmos : voyage au cœur de la constellation du rock
Par Robert Laplante
Été 1971,
après 3 éditions, le Festival d’été de Québec décide de faire un peu de place
aux spectacles de rock. Il faut dire que le Festival veut intéresser un public
plus jeune à sa manifestation. Et comme le rock est la musique de la jeunesse,
l’équation est facile à faire. Plus de rock, plus de jeunes.
Le 15 juillet l’organisation présente donc dans la cour du Petit Séminaire : Québec Cactus.
Cette formation composée
de : Tim Bogert, de Carmine Appice, deux anciens de Vanilla Fudge, de Jim
McCarty et de Rusty Day est reconnue pour son rock musclé et sans compromis. De
quoi ébranler les colonnes du vénérable collège privé, qui n’est pas habitué
aux rythmes sauvages qui s’échappent de la batterie lourdingue d’Appice et au
vrombissement tonitruant de la guitare de McCarty et de la basse de Bogert.
Le concert
est un véritable succès, grâce au flair de Kosmos, une jeune entreprise de
production de spectacle, inspirée des grands idéaux de la contreculture, à qui
le FEQ avait confié le mandat d’organiser cette soirée. Sans le savoir, Kosmos était en train d’insuffler une véritable bouffée
de jeunesse dans une industrie du spectacle un tantinet conservatrice.
Compagnie de production québécoise légendaire - le premier concert de Pink Floyd dans l’est du Canada,
c’est elle, les premières tournées québécoises de Gentle Giant
et de
Genesis c’est encore elle, Kosmos a joué un rôle fondamental dans le
développement de notre industrie du spectacle.
Et si en 2021 on a un peu oublié son
irrésistible épopée, l’excellent Kosmos une aventure québécoise au temps du
rock progressif de Michel Maltais va peut-être ramener sous les projecteurs
son incroyable parcours et ses tout aussi incroyables réalisations.
Parce qu’il
faut bien l’avouer, ses réalisations ont été impressionnantes. Aussi
impressionnantes que la folie qui l’animait et qui lui a fait produire les concerts
les plus fous, ceux qui allaient concurrencer LE producteur rock au Québec Donald Tarlton.
Du Masmakhan, à Pink Floyd en passant par L’Infonie,
Sloche, Pollen, Maneige, Caravan, Soft Machine,
Gentle Giant, Genesis, Peter Gabriel en solo et tutti
quanti, Kosmos raconte un pan important de l’histoire rock au Québec. Mais
Kosmos, ce n’est pas que çela. Kosmos, c’est aussi l’histoire
d’une jeunesse qui remet en question les façons de faire de ses prédécesseurs,
d’un Québec qui rue dans les brancards, d’une capitale qui tente de s’imposer dans
le circuit des destinations incontournables du grand cirque du rock’n’roll face
à une métropole étouffante. Tiens, ça me rappelle une équipe de hockey.
Avec passion, verve, enthousiasme,
moult détails et anecdotes savoureuses, Michel Maltais, un des fondateurs de la
boite de production racontent son incroyable randonnée à travers les dédales de
l’univers étrange de la production de spectacles de rock. Un univers peuplé de
doux rêveurs, de créateurs géniaux, d’égos surdimensionnés, de sympathiques et
attachants musiciens, de gros requins de la finance et de crapules de tout acabit.
Ouvrage
essentiel et réjouissant sur un sujet peu abordé dans notre corpus historique
du rock, Kosmos se lit d’une traite. Maltais propose un vibrant
instantané sur une industrie qui tranquillement perd son sympathique caractère
anarchique au profit d’une professionnalisation déshumanisante et de l’arrivée
de ces jeunes cadres dynamiques qui veulent rentabiliser le rock et s’enrichir
sur son dos. Passage qu’avait aussi abordé Cameron Crowne dans son excellent
film Almost Famous.
Pour moi il
est indéniable que Kosmos est du calibre de Bill Graham présente. Une
vie rock’n’roll, les fascinantes mémoires du célèbre promoteur, de The Man
Who Led Zeppelin de Chris Welch consacré à Peter Grant le gérant du
mythique quatuor britannique, et de L’Hacienda, la meilleure façon de couler
un club du bassiste de New Order Peter Hook.
Et même si à
l’occasion on retrouve quelques coquilles, Rod Stuart à la place de Rod Stewart
par exemple, il reste que je me suis amusé comme un fou en retrouvant ce parfum
enivrant du début des années 70 qui enveloppe Kosmos.
Vous ne pouvez pas passer à côté de ce
merveilleux bouquin.
Michel Maltais, Kosmos, une
aventure québécoise au temps du rock progressif, Septentrion.
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