Eery et Creepy présentent Alex Toth : L’efficacité horrifique

 

                                                           


Par Robert Laplante.

Si Gerry Boulet chantait dans un Chu un rocker « Que'ques fois j’oublie qui je suis. Mais je r’viens toujours au rock’n’roll » je pourrais aussi dire la même chose. À la différence toutefois, que je parlerais plus des bédés horrifiques d’EC Comics, d’Eerie, de Creepy et de Marvel, des romans de Marabout et de J’ai Lu et des films de la Hammer que du rock’n’roll.

Il m’arrive aussi, et trop souvent, d’occulter toute l’importance que le fantastique a eue pour moi. Jusqu’au moment où je tombe sur une bédé, un roman ou un film d’horreur. Alors, je me rappelle que j’aime encore ce genre.

                                  


Ici, c’est un nouveau recueil Delirium consacré aux bédés d’Alex Toth qui m’a replongé dans un réconfortant bonheur nostalgique. Quand je lisais avidement ces récits sombres, alors que toutes les lumières du domicile familial étaient éteintes, sauf la petite lampe de ma chambre, et qu’aucun bruit ne venait perturber le silence inquiétant de la nuit.


                                  


Quand arrive le temps de dresser la liste des meilleurs bédéistes américains de la grande époque des comics, les connaisseurs nomment instinctivement Will Eisner, Milton Caniff, Jack Kirby, Carmine Infantino, Joe Kubert, quelques autres et… Alex Toth.

Pourtant le New-Yorkais est beaucoup moins connu du grand public que ses illustres collègues. Mais on comprend pourquoi. Après tout le bédéiste n’a jamais travaillé assez longtemps sur une série pour y laisser sa marque. Même l’époustouflante série Torpedo, une de mes séries préférées,


                                            


était surtout associée à son successeur Jordi Bernet. Bédéiste libre qui ne tenait pas en place, Alex Toth changeait de séries et d’éditeurs comme d’autres de chemises.

                                      






Toutefois, il y a un domaine où son empreinte a été remarquable : celui des courtes bandes dessinées horrifiques, policières et de science-fiction. Celles qui étaient présentes dans les magazines cultes comme Eerie et Creepy. Tout au long de ses séjours dans ces univers anxiogènes, Toth a su se réinventer au gré des scénarios d’auteurs aguerris qui voyaient dans sa plume une nouvelle arme pour débusquer les cauchemars les plus dantesques.

Cette compilation de meilleures bd de Toth est un véritable petit bijou pour les amateurs de fantastiques. Un diamant qui nous plonge au cœur de cette révolution horrifique proposée par Eery et Creepy, et avant eux Tales From the Crypt et autres Weird Tales.

Sur une vingtaine de courts récits, allant de 1965 à 1982, Toth nous entraîne dans de ténébreux lieux où le danger, qui nous guette dans chaque case, est exacerbé par un trait en constante évolution. Refusant de rester coincé dans le classicisme de ses premières histoires, l’auteur fait littéralement exploser son trait, très proche de celui de beaucoup d’auteurs des EC Comics, pour le redéfinir et tenir compte des nouvelles explorations graphiques d’un monde en mutation.

Maître du découpage haletant et du rythme narratif effréné, Toth roule à tombeau ouvert dans les menaçantes coulisses des craintes humaines. Là où tout est possible et rarement pour le mieux. En quelques planches, le dessinateur échafaude des récits angoissants sans ne jamais se perdre dans les dédales de celui qui veut en dire trop ou qui ne sait pas s’arrêter.

Sa narration graphique, efficace, combinée à des scénarios économes qui vont droit au but, fait de ses histoires des petits trésors où je m’y suis abandonné avec un plaisir fou.

Expert dans ce difficile art de la concision, les bandes dessinées de Toth, comme ceux de la grande époque de ces magazines, peuvent encore nous inspirer dans ces périodes où les auteurs, scénaristes et romanciers sont trop bavards et finissent pas nous perdre dans leur intrigue et de leurs sous-intrigues labyrinthiques.

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Vivement qu’on redécouvre Alex Toth.

Alex Toth, Eery et Creepy présentent Alex Toth, Delirium.

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