Un père : Le plus fort c’est mon père.
Par Robert Laplante
Que c’est compliqué les relations avec les pères. On a beau avoir passé notre enfance et notre adolescence proche d’eux et notre vie d’adulte pas trop loin, on ne les connaît jamais vraiment. Ils nous échappent toujours. C’est pareil pour nos mères, vous avez parfaitement raison. Mais, comme nous sommes à quelques heures de la fête des Pères, l’occasion est parfaite pour parler d’Un père, l’émouvante nouvelle bédé de Jean-Louis Tripp et l’illustration parfaite de notre méconnaissance paternelle.
Après avoir brillamment abordé la mort de son frère Gilles dans « Le petit frère » (l’une des meilleures bandes dessinées de 2022), Tripp s’attaque maintenant à sa relation avec son père.
Au cours d’une interview en 2022, il m’a avoué vouloir écrire une histoire mettant davantage en lumière la présence de son père. En effet, ce personnage était assez discret dans « Le Petit Frère ». Personnage riche et truculent, presque « pagnolesque, » indéfinissable, insaisissable, profondément humain et pétri de contradictions, son enseignant et communiste convaincu de paternel est attachant. Un père à la fois semblable et différent des autres.
Comme il en a l’habitude, Jean-Louis Tripp brosse un tableau sans concession de sa relation avec son père. Il évite la démonisation, l’angélisation et les imprécises brumes nostalgiques qui ont tendance à tout embellir ou tout noircir. Le bédéiste illustre, de main de maître, l’évolution de son regard sur son père. De l’admiration de ses jeunes années à l’acceptation, la tendresse et la tolérance de l’âge adulte, en passant par la contestation adolescente, où ils se provoquent, s’opposent et se repoussent constamment que voulez-vous, il faut bien tuer son père — ce sont les nombreux visages de leurs rapports qui sont racontés avec émotion et humour dans ses 349 pages de pur bonheur.
« Un père » est une des plus belles bandes dessinées que j’ai lues cette année. Elle séduit autant qu’elle désarme par son trait élégant, précis, enjoué et attachant. Dès la première case, elle nous enveloppe dans une réconfortante couverture chaude qui nous protège, même dans les moments les plus dramatiques.
Mais Tripp, ce n’est pas qu’un trait irrésistible. Ses mots et sa narration nous bouleversent. Ils ébranlent nos défenses et font renaître chez moi le regret des rendez-vous manqués, des incompréhensions mutuelles et des paroles qui ont été dites ou qui auraient dû l’être.
Avec son habile mélange d’anecdotes, de sous-entendus, d’incompréhensions, de fous rires, de colères, de maladresses, d’occasions manquées et de silences, Hallucination tisse une toile relationnelle touchante, pleine de vie, composée d’ombres et de lumières. Une toile dans laquelle je me suis abandonné, sans réfléchir, sans méfiance, sans chercher à m’extirper. Une toile où je suis ressorti avec l’insatisfaction de ne pas avoir vraiment cherché à connaître le mien trop occupé que je fusse à satisfaire ma petite personne. Mais avec un sentiment de bonheur pour tout ces petits moments impérissables de plaisir partagés avec lui.
Bonne fête des Pères !
En terminant je m’en voudrais de passer sous silence le lancement du troisième tome de l’excellente série Urbance, un sympathique manga hybride du Franco-Québécois Joël Dos Reis Viegas. C’est un rendez-vous le 19 juin de 17 h à 20 h au O-Taku Manga Lounge, 3623 R. Saint-Denis. Ça risque d’être très très intéressant comme Urbance quoi !
Jean-Louis Tripp, Un père, Casterman.
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