Moi Jules César : Tu quoque, mi fili!
Par Robert Laplante
Boucler une bonne biographie dessinée est tout un défi ! Elle doit avoir du rythme et de la vie, être inspirée et ne pas comporter de raccourcis historiques.
Malgré la difficulté de la tâche, Alfred de Montesquiou et Névil ont réussi à écrire Moi, Jules César, une bande dessinée sur le fameux Jules de nos Gaulois préférés.
Le 14 mars de l’an 44 avant notre ère, Jules César est invité à dîner chez son ami fidèle Lépide. Entouré de 12 compagnons, dont l’un le trahira, il veut profiter de cette soirée paisible, loin de l’agitation de la politique romaine. Il a en effet besoin de se reposer avant de rencontrer les sénateurs pour préparer la guerre contre les Parthes, une nouvelle étape de l’expansionnisme romain.
Épuisé, peut-être en raison de la tristesse et du vin, Jules César décide de se confier et de raconter son histoire à ses camarades. Pas celle qu’on a écrite sur lui et qui se mélange à une légende qu’il a largement contribué à façonner. En réalité, son récit authentique, empreint de déceptions, de joies, de frustrations, d’accidents heureux, de brutalité, de tromperies et d’aspirations.
Après une soirée où il a bu plus que de raison, l’homme du quartier romain de Subure, connu pour être pauvre et populaire, regagne son domicile auprès de Calpunia, sa dernière épouse. Malgré un sombre pressentiment qui semble prophétique et les instances de Calpunia de ne pas se rendre au Sénat, il succombe aux pressions de Marc-Antoine et de Decimus Brutus et s’y rend. Un fois à l’intérieur du siège du pouvoir, il sera poignardé 22 fois.
22 blessures, dont une seule mortelle. Le 15 mars de l’an 44 avant notre ère, César, qui souhaitait d’être plus éternel qu’Alexandre le Grand, s’éteint dans le chaos, la violence, l’anarchie et les luttes fratricides. Le rêve républicain de Rome disparaît. Un nouveau triumvirat, composé de Lépide, Marc-Antoine et Octavien, son fils adoptif, se constitue, Le temps que ce dernier liquide ses 2 partenaires. Octavien se mue en Auguste. La république devient empire. L’histoire est en marche.
« Moi, Jules César » est une bande dessinée biographique fascinante qui se déroule pendant une nuit de fête. À ce moment, celui qui s’est fait nommer dictateur à vie par le Sénat et qui est devenu un dieu vivant raconte à ses amis sa véritable histoire. C’est celle qu’on aime moins, car elle est enfouie sous une légende qu’il a lui-même, en partie, contribué à créer.
De sa naissance à ses campagnes militaires, en passant par ses mariages, ses alliances avec les puissants, sa relation avec Cléopâtre, ses amitiés trahies et ses ennemis acharnés, Montesquiou et Névil nous invitent à découvrir les coulisses d’une vie que nous croyons tous maîtriser, sans vraiment la connaître.
Si le dessin de Névil manque un peu d’assurance, le scénario de Montesquiou, lui, est particulièrement efficace. Le scénariste, journaliste, documentaliste et grand reporter, raconte avec verve, simplicité et humanité la vie d’un des personnages les plus marquants de l’Antiquité.
Le lauréat 2012 du prix Albert-Londres propose presque un reportage dans un récit captivant. Avec ses mots et son habile mélange de la petite et de la grande histoire, le scénariste témoigne de l’irrésistible ascension vers la légende d’un César pétri de contradictions, d’hésitations, d’aplomb et d’égoïsme.
À la façon de deux talentueux conteurs, le duo m’a raconté sa vie, comme si j’étais, avec eux, dans un relais de la via Agrippa, devant un feu de cheminée, en attente d’un brouet bien chaud, par une froide nuit d’octobre ou de novembre.
Cette bande dessinée, qui compte 252 pages, est réellement imposante. Elle est fournie en références historiques et se révèle être une lecture fascinante À la hauteur de ce personnage remarquable.
C’est un véritable moment de lecture captivant.
Montesquiou, Névil Moi, Jules César, Allary éditions




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