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La République de Weimar est fascinante. Née des cendres de l’effondrement de l’Allemagne impériale et de la révolution de 1918, la nouvelle république est rapidement traversée par tous les courants sociaux, politiques, économiques et culturels du siècle naissant. Des courant qui s’affrontent, et quelques fois violemment, dans les rues des grandes villes du pays de Goethe. Période chaotique, l’Allemagne de l’entre-deux-guerres est un fabuleux terreau pour de sombres polars au parfum de fin du monde.

C’est cette Allemagne déchirée qu’arpente Gereon Roch, inspecteur à la brigade des mœurs de Berlin. Au hasard d’une enquête dans la faune nocturne berlinoise, Roch découvre un occulte réseau de financement qui bénéficie autant aux membres du NSDAP qu’aux exilés tsaristes, qui rêvent d’en finir avec le régime rouge soviétique, et dont les ramifications remontent jusqu’aux plus hautes sphères des forces policières. Le tout sur fond d’affrontements entre la gauche communiste et toutes les factions de l’extrême-droite. Empêtré dans un véritable nœud gordien, Roch va vite s’apercevoir qu’il ne peut se fier à personne et encore moins aux flics un peu trop passifs devant les violences intimidatrices des corps francs d’un ancien caporal devenu politicien en vogue à Munich.

                                         


Adaptation bd des romans du journaliste Volker Kutscher, Babylon Berlin est une impressionnante bédé qui nous guide à travers un Berlin glauque, malfamé et décadent. Une capitale qui n’est pas sans nous rappeler celle du Cabaret de Bob Fosse. Tordue à souhait la bande dessinée d’Anne Jysch illustre à merveille cette Allemagne dans l’œil de la tempête, ce moment de démesure, sans repère, où se fusionne un vieux monde qui s’écroule et les prémisses d’un nouveau qui tarde à naître.
Fascinante bande dessinée, Babylon Berlin explore avec brio la psyché des individus en pleine tourmente chaotique, quand tout est possible et que l’homme - et la femme - montre sans pudeur sa grandeur et ses faiblesses, sa part d’ombre et de lumière.
Une belle réussite.

                                       


Du Berlin des années 30 on saute à l’Algérie qui peine à se remettre de sa guerre d’indépendance. Pas celle de 1962, non celle de 1976. Pas besoin de fouiller dans vos livres d’histoire, cette guerre de libération nationale n’a eu lieu que dans l’esprit de Vehlmann, De Bonneval, Tanquerele et Blanchard qui en ont fait le fondement de 
leur uchronie : Le dernier Atlas.

2018, 42 ans après la proclamation de l’indépendance, Ismaël Tayeb, lieutenant nantais de la pègre franco-algérienne, doit sur ordre de son patron trouver une pile nucléaire en état de marche. Mais une pile nucléaire ça ne se trouve pas à tous les coins de rues. Pour satisfaire son patron il doit donc voler celle de l’Atlas George Sand, dernier exemplaire des immenses robots qui jadis foraient le sol pétrolier algérien et qui ont été remisés après les catastrophiques et énigmatiques événements de Batna. Hélas, ce dernier Atlas, abandonné dans un coin malfamé de l’Inde, n’est plus en état de marche. Accompagné d’une petite équipe de techniciens Tayeb doit le remettre à neuf alors que l’Algérie semble aux prises avec une suite de phénomènes environnementaux inquiétants.

Bande dessinée imposante, plus de 200 pages, Le dernier Atlas est une belle réussite. Les deux scénaristes, qui ont l’espace nécessaire pour mettre en place leur intrigue, mènent de main de maître un scénario aussi intelligent que dense. Grands spécialistes dans l’art de raconter, Vehlmann et De Bonneval nous guident avec efficacité à travers les méandres de cette intrigue qui se déroule sur trois continents. Alors qu’ils auraient pu nous perdre facilement, tant il y a d’informations à assimiler, ils réussissent constamment à nous garder sur le qui-vive.
 En proposant une narration limpide, fluide et rythmée, les bédéistes séduisent et accrochent le lecteur qui oublie quelques fois qu’il est devant une bande dessinée et non pas une série policière. Le tout appuyé par le dessin efficace de Tanquarelle qui avec son trait lumineux traduit à merveille la chaleur implacable de l’Algérie et la déchéance physique de ces baroudeurs quinquagénaires qui composent l’univers du dernier Atlas.
À la fois uchronie, science-fiction, politique-fiction et roman populaire de qualité, Le dernier Atlas mérite le détour.

Texte de Robert Laplante

Anne Jysch d’après le roman de Volker Kutscher, Babylon Berlin, Glénat.

Vehlmann, De Bonneval, Tanquerelle, Blanchard, Le dernier Atlas, Dupuis.

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