Sortir de la terre : de la pyramide au terril.
Robert Laplante
Au nord,
c’étaient les corons
La terre
c’était le charbon
Le ciel c’était
l’horizon
Les
hommes des mineurs de fond
Qui n’a pas
entendu cette chanson de Pierre Bachelet, classique avec le Germinal de Zola et
le Sans famille d’Hector Malot de la vie dans le pays houiller français, situé
dans les départements limitrophes à la Belgique.
Mais Zola,
les corons et les autres œuvres, teintés d’une tristesse et d’une résignation délavées
par les larmes et la sueur du désespoir de ces mineurs sacrifiés à l’autel du
capitalisme triomphant du XIXe siècle, ne sont qu’une vision de la mine. Une
image qui a fini par s’imposer et occulter une région, une culture et des
destins beaucoup moins misérabilistes que ceux qui ont imprégné la littérature,
les chansons et les films.
Parce que
derrière cette image persistante, il existe une vie qui est très différente de
celle qu’on imagine, une solidarité communautaire, une richesse humaine et des
expériences de développement qui ont survécu aux fermetures et aux
délocalisations.
C’est toute
cette richesse historique et sociétale que Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer
explorent dans Sortir de terre « à 198 kilomètres de la pyramide » un
impressionnant documentaire dessiné qui vient tout juste d’arriver sur les
tablettes de nos librairies.
À partir
d’un reportage sur l’ouverture du Louvre-Lens la première antenne délocalisée
du mythique musée parisien, les auteurs visite l’histoire et le présent de
cette région et le rôle que le musée joue dans la redécouverte du passé de
cette région et dans sa revitalisation.
L’exploration
est fascinante. À travers l’évolution du coron, des techniques minières, des
conditions de vie des mineurs, du rôle des troquets municipaux, les auteurs
proposent une vue globalisante de la vie du mineur qui ne se résume pas qu’à
celle d’Étienne Lantier, de Toussaint Maheu et de Bonnemort.
Mais au-delà
de cette réappropriation citoyenne, c’est toute cette nouvelle vitalité sociale
qui transpire des pages de cette bande dessinée. Une prise en charge citoyenne
respectueuse des traditions, des individus et de l’environnement, comme ces plantations
de vignes sur les terrils, ces majestueuses collines artificielles et noires, construite
par l’accumulation de résidu minier.
Une bande
dessinée surprenante, dense, pleine d’informations, qui m’a donné envie de
visiter cette région, le Louvres-Lens, les terrils, les bistrots, les corons, assister
à une partie du Racing club de Lens et pourquoi ne pas descendre dans une mine
et devenir l’espace d’une heure mineur au rythme des chansons de l’album Cante
el’nord de Renaud.
Je suis
du peuple.
Robespierre,
le plus grand croquemitaine de la Révolution française. Avec Marie-Antoinette, Maximilien
Robespierre est le personnage le plus connu de cet évènement majeur de
l’humanité. Figure du fonctionnaire désincarné, froid, implacable et incapable
d’empathie et de nuances, symbole de la vertu et de la pureté idéologique
édifiées en vice, l’incorruptible, mais insensible avocat, deviendra l’emblème
des dérives de la terreur et des purges politiques du XXe siècle. Ce n’est pas
pour rien que le cinéaste polonais Andrzej Wajda ait vu en lui, la
personnification des démocraties staliniennes dans sa célèbre adaptation filmée
de la pièce de théâtre L’Affaire Danton de Stanisława Przybyszewska.
Mais depuis
quelques années, les historiens se sont attaqués à cette image stéréotypée de
l’homme politique d’Arras, présentant une personnalité beaucoup plus complexe
et moins tranchée que ce que l’histoire populaire a retenu.
C’est
justement cette image nuancée qu’explorent Bernard Swysen et Philippe Bercovici
dans Robespierre la véritable histoire vraie publiée chez Dupuis. 6e
tome de cette merveilleuse série consacrée aux monstres de l’histoire, ce
Robespierre est tout simplement fascinant. Comme dans les autres albums de la
série les auteurs évoquent les moments les plus significatifs de sa vie,
essayant de comprendre ce qui l’a amené à endosser le rôle ambigu à la fois du
plus vertueux d’entre tous et à la fois du boucher de la révolution.
Guidé par son besoin d’être admiré et aimé, par son amour du
genre humain même si ironiquement il n’aime pas les individus et par ses
aspirations à le rendre meilleur, Robespierre donne l’impression d’agir presque
religieusement. En lui imposant une conception du bonheur qui ne tient pas compte de son
égoïsme et de son désir de satisfaire ses besoins individuels, Robespierre tout
comme le clergé nie la nature profonde de l’être humain.
À la lecture
de cette captivante biographie, admirablement dessinée par le trait nerveux et hyperactif
de Bercovici, on se demande si Robespierre n’a tout simplement pas remplacé la
morale religieuse par une morale tout aussi insupportable, mais cette fois
laïque. Et à la lumière des néocurés moralisateurs, gardien de l’orthodoxie de
gauche et de droite, qui pullulent en ce XXIe siècle, on se demande s’il est
vraiment disparu de nos sociétés modernes.
Et c’est
peut-être ici la plus grande qualité de ce Robespierre. Nous faire prendre
conscience que son ombre est toujours présente dans notre société et que son éternel
duel avec Danton reste d’actualité. Comme si la pensée religieuse et
manichéenne refusait de disparaitre de nos conceptions de la démocratie, des
débats et de la recherche du bonheur.
Xavier
Bétaucourt, Jean-Luc Loyer, Sortir de terre, « à 198 kilomètres de la pyramide… »,
les éditions de la gouttière.
Swysen,
Bercovici, Robespierre, la véritable histoire vraie, Dupuis.
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