Tropique de la violence : derrière la carte postale
Robert Laplante
Parmi les
nombreuses conceptions de l’écriture journalistique la plus intéressante reste le
nouveau journalisme, celui de Tom Wolfe et d’Hunter S Thompson. Journalisme qui
met l’emphase sur l’atmosphère et la subjectivité, le nouveau journalisme a chamboulé
notre conception de l’écriture journalistique et du rôle du journaliste désormais
acteur du fait qu’il rapporte. Parmi les différentes variantes qui composent cette
vision, on retrouve le gonzo qui est vite devenu le véhicule pour illustrer les
splendeurs et misères du grand cirque du rock’n’roll.
Rock’n’Roll
fantasy.
The
Rolling Stone, Creem, The Village Voice, Crawdaddy furent parmi les magazines qui ont adopté
les principes du gonzo. Ils les ont tellement bien intégrés qu’il est indissociable
de la presse rock.
Fascinée par
cette association, Maud Berthomier a
rencontré ses grands ténors pour comprendre les relations entre le journalisme
gonzo et l’écriture rock. 11 fascinantes entrevues avec le gratin de la presse
rock : Peter Guralnick, Lenny Kaye, Nick Tosches, Greil Marcus, Richard
Meltzer, Dave Marsh, Jaan Uhelszki, Richard Goldstein, Nick Cohn et Jim DeRogatis,
qui avec l’aide de Greil Marcus analyse le style de Lester Bangs. À tour de
rôle ils prennent la parole pour nous livrer leurs réflexions sur leur
carrière, l’écriture rock, le rôle du critique rock et son avenir alors qu’on
le dit agonisant.
Incursion dans
la pensée des critiques rock, Encore plus de bruit est un ouvrage à lire
absolument. Pour mieux saisir l’importance des héritiers d’Elvis dans notre
société bien sûr, mais aussi pour s’initier à une écriture qui métisse allègrement
la froide objectivité du journalisme traditionnel à la chaleur de la
subjectivité du nouveau journalisme.
Dire que je
me suis amusé comme un petit fou dans le livre de Berthomier est un euphémisme.
C’est une des lectures les plus inspirantes que j’ai réalisées cette année. Un
fabuleux hommage à ces journalistes qui grâce au rythme de leurs textes ont
nourri mon écriture et traduit avec précision mon amour pour cette musique. Un
amour toujours aussi vivant bien longtemps après la découverte du School’s
out d’Alice Cooper durant l’été de mes 12 ans.
Le soleil
de la violence.
Moïse habite
Mayotte. Moïse est élevé par Marie, une blanche, après que sa mère, une
réfugiée des Comores l’ait abandonnée. Atteint d’hétérochromie, il a un œil
noir et un vert, la rumeur dit qu’il porte malheur et qu’il est possédé par un
djinn.
Moïse à
quinze ans quand Marie sa mère adoptive meurt. Sans rien devant lui, il se
retrouve seul devant son monde qui bascule lui le Noir qui pense comme un
Blanc. Arpentant le bitume à la recherche de sa survie, l’adolescent goutera à
la violence de la rue et au rejet autant des Blancs que des Noirs.
Adaptation
du roman de Nathacha Appanah, Tropique
de la violence est une œuvre troublante qui nous amène au cœur de la
violence quotidienne de Mayotte, véritable poudrière où se confronte les
natifs, l’ancien colonisateur blanc devenu depuis frère et les nombreux
réfugiés mal intégrés attirés par le rêve français.
Admirablement
dessiné par Gaël Henry, qui évite les décors de cartes postales, Tropique de
la violence est une plongée au travers du désespoir d’un département
abandonné par une métropole insensible à sa population désabusée et trahie par
les promesses de l’Hexagone et par les mirages de Marianne.
Loin d’être cette société paradisiaque où le
soleil réconforte les plus malheureux, la Mayotte d’Henry est un rêve qui
craque de partout. Une oasis de lumière où se cache une part d’ombre grandissante.
Un boulevard des rêves brisés hanté par les destins paumés des insulaires
condamnés à y errer éternellement. Un coin de France qui ressemble plus à un
fruit trompeur, superbe et ferme de l’extérieur, mais plein d’asticots à
l’intérieur, qu’a un paradis bucolique.
Une œuvre teintée de la triste beauté
du désespoir.
Maude Berthomier, Encore plus de bruits l’âge d’or
du journalisme Rock en Amérique par ceux qui l’ont inventé, Tristram.
Gaël Henry d’après le roman de Nathacha
Appanah, Tropique de la violence, Sarbacane.
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