Le loup : Le silence des moutons.


                                                                
 Robert Laplante

L’été achève, alors pourquoi, ne pas finir la belle saison dans les alpages français pour vivre la vie des bergers. Je vous assure que ça vaut le détour.

L’appel du loup.

Gaspard est berger. Sur les pâturages du Massif des Écrins, ce grand massif montagneux des Alpes françaises qui abrite de nombreux glaciers, Gaspard regarde sa vie, comme un témoin indifférent, s’égrener imperceptiblement aux rythmes des saisons qui passent et des moutons qui broutent. Meurtri par la mort de son fils, au service de la France, et par la dépression profonde de sa femme, Gaspard vit en reclus, isolé dans son massif avec pour seuls compagnons son fidèle chien et ses impassibles moutons.
Une nuit, il abat une louve qui décimait depuis quelques semaines son troupeau. Une louve qui s’occupait encore d’un petit et qui désormais, devra apprendre à se nourrir lui-même. Sans doute par pitié Gaspard décide, le temps d’un hiver, de le nourrir en lui donnant une partie des bêtes qu’il tue pour améliorer son quotidien. Sans le savoir, Gaspard nourrit la fureur d’un animal qui ne rêve que de se venger. Pour Gaspard et pour le jeune loup blanc commence alors une relation amour-haine qui s’avèrera dramatique et bouleversante.
Les rumeurs qui circulaient depuis quelques semaines étaient plutôt positives à propos de la dernière bande dessinée de Jean-Marc Rochette, un bédéiste qui se fait trop rare. Et il faut bien l’avouer à la lecture du Loup, les rumeurs étaient fondées, nous sommes en présence d’une bande dessinée qui marquera l’année 2019.
Bande dessinée quasi contemplative au parfum d’Hemingway, où on entend le crissement des pas sur la neige, les hurlements du vent sur la montagne et le silence des journées froides d’hiver, Le loup a tout pour devenir un classique. Du Hemingway oui, mais aussi du Jack London, du Terence Malick et du Sydney Pollack, celui de Jeremiah Johnson, premier western écologiste mettant en vedette Robert Redford.
Parce que tout comme ces auteurs et ces cinéastes, on sent chez Rochette, une conscience environnementale, un amour et un respect pour l’immensité d’une nature qu’il traduit avec sa poésie silencieuse dans ses majestueux espaces enneigés à n’en plus fini. Comme il le faisait si bien dans le Transperceneige.
Mais c’est surtout dans cette relation entre l’homme et le loup que Rochette impressionne le plus. On sent chez lui, comme chez London, un grand respect entre les deux créatures, prêtes à se déchirer, mais aussi à s’aider quand le besoin se fait sentir. Comme si hommes et animaux pouvaient se comprendre sans avoir besoin de mots, tout en respectant leur nature profonde.
À la fois, prédateur et proie, Gaspard fini par retrouver sa place dans la grande chaine de la vie, en harmonie avec un environnement généreux qu’il respecte, mais dont il n’est pas le maitre. Une situation que nous avons peut-être fini par oublier à force de vivre dans la modernité et le confort de nos sociétés.

Une bande dessinée inspirante.

                                                    

Le chantre du quotidien.

Puisqu’on parle d’inspiration, il faut absolument aller à la Librairie Z de l’ami Jean-Dominic Leduc qui présente jusqu’au mois de septembre une magnifique exposition sur Jimmy Beaulieu.
Pour l’occasion Jean-Dominic Leduc a écrit une passionnante monographie sur notre excellent bédéiste reconnu pour l’élégance et la retenue d’un trait qui ne fait jamais dans l’esbroufe et pour le ton juste qu’il sait insuffler à ses personnages.
Avec son écriture imagée, son choix intelligent des citations évocatrices et la justesse de ses analyses, Jean-Dominic Leduc aborde les grandes forces d’un artiste qui a su traduire avec discrétion sa vie, ses amours, ses angoisses, ses espoirs et ses influences.
Grand amateur de cinéma, Beaulieu a nourri ses créations d’un lyrisme, d’une authenticité qui n’est pas très loin du grand cinéma français, celui de Truffaut, mais surtout celui de Claude Sautet. Tout comme le réalisateur des choses de la vie Beaulieu excelle à dessiner des personnages criants de vie et de vérité, comme si ces derniers s’affranchissaient de leurs cases pour partager en chair en os notre quotidien.
En lisant la trop courte monographie, j’en aurais pris plus, j’ai retrouvé le même enthousiasme, et la même tendresse que j’avais quand je découvrais pour la 1er fois les films de Sautet et ses personnages tellement réels.

                                                     
Grâce à Jean-Dominic Leduc je peux maintenant expliquer pourquoi les bédés de Jimmy Beaulieu m’apaisent et me fascinent autant.

Jean-Marc Rochette, Le loup, Casterman
Jean-Dominic Leduc, Jimmy Beaulieu, Dessin libre, Librairie Z bookshop

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