Le loup : Le silence des moutons.
L’été
achève, alors pourquoi, ne pas finir la belle saison dans les alpages français
pour vivre la vie des bergers. Je vous assure que ça vaut le détour.
L’appel
du loup.
Gaspard est
berger. Sur les pâturages du Massif des Écrins, ce grand massif montagneux des
Alpes françaises qui abrite de nombreux glaciers, Gaspard regarde sa vie, comme
un témoin indifférent, s’égrener imperceptiblement aux rythmes des saisons qui
passent et des moutons qui broutent. Meurtri par la mort de son fils, au
service de la France, et par la dépression profonde de sa femme, Gaspard vit en
reclus, isolé dans son massif avec pour seuls compagnons son fidèle chien et
ses impassibles moutons.
Une nuit, il
abat une louve qui décimait depuis quelques semaines son troupeau. Une louve
qui s’occupait encore d’un petit et qui désormais, devra apprendre à se nourrir
lui-même. Sans doute par pitié Gaspard décide, le temps d’un hiver, de le
nourrir en lui donnant une partie des bêtes qu’il tue pour améliorer son
quotidien. Sans le savoir, Gaspard nourrit la fureur d’un animal qui ne rêve
que de se venger. Pour Gaspard et pour le jeune loup blanc commence alors une
relation amour-haine qui s’avèrera dramatique et bouleversante.
Les rumeurs
qui circulaient depuis quelques semaines étaient plutôt positives à propos de
la dernière bande dessinée de Jean-Marc Rochette, un bédéiste qui se fait trop
rare. Et il faut bien l’avouer à la lecture du Loup, les rumeurs étaient
fondées, nous sommes en présence d’une bande dessinée qui marquera l’année 2019.
Bande
dessinée quasi contemplative au parfum d’Hemingway, où on entend le crissement
des pas sur la neige, les hurlements du vent sur la montagne et le silence des
journées froides d’hiver, Le loup a tout pour devenir un classique. Du
Hemingway oui, mais aussi du Jack London, du Terence Malick et du Sydney
Pollack, celui de Jeremiah Johnson, premier western écologiste mettant
en vedette Robert Redford.
Parce que
tout comme ces auteurs et ces cinéastes, on sent chez Rochette, une conscience
environnementale, un amour et un respect pour l’immensité d’une nature qu’il
traduit avec sa poésie silencieuse dans ses majestueux espaces enneigés à n’en
plus fini. Comme il le faisait si bien dans le Transperceneige.
Mais c’est surtout dans cette relation entre l’homme et le
loup que Rochette impressionne le plus. On sent chez lui, comme chez London,
un grand respect entre les deux créatures, prêtes à se déchirer, mais aussi à
s’aider quand le besoin se fait sentir. Comme si hommes et animaux pouvaient se
comprendre sans avoir besoin de mots, tout en respectant leur nature profonde.
À la fois,
prédateur et proie, Gaspard fini par retrouver sa place dans la grande chaine
de la vie, en harmonie avec un environnement généreux qu’il respecte, mais dont
il n’est pas le maitre. Une situation que nous avons peut-être fini par oublier
à force de vivre dans la modernité et le confort de nos sociétés.
Une bande
dessinée inspirante.
Le
chantre du quotidien.
Puisqu’on parle
d’inspiration, il faut absolument aller à la Librairie Z de l’ami Jean-Dominic
Leduc qui présente jusqu’au mois de septembre une magnifique exposition sur
Jimmy Beaulieu.
Pour
l’occasion Jean-Dominic Leduc a écrit une passionnante monographie sur notre
excellent bédéiste reconnu pour l’élégance et la retenue d’un trait qui ne fait
jamais dans l’esbroufe et pour le ton juste qu’il sait insuffler à ses
personnages.
Avec son
écriture imagée, son choix intelligent des citations évocatrices et la justesse
de ses analyses, Jean-Dominic Leduc aborde les grandes forces d’un artiste qui
a su traduire avec discrétion sa vie, ses amours, ses angoisses, ses espoirs et
ses influences.
Grand
amateur de cinéma, Beaulieu a nourri ses créations d’un lyrisme, d’une authenticité
qui n’est pas très loin du grand cinéma français, celui de Truffaut, mais
surtout celui de Claude Sautet. Tout comme le réalisateur des choses de la
vie Beaulieu excelle à dessiner des personnages criants de vie et de
vérité, comme si ces derniers s’affranchissaient de leurs cases pour partager
en chair en os notre quotidien.
En lisant la
trop courte monographie, j’en aurais pris plus, j’ai retrouvé le même
enthousiasme, et la même tendresse que j’avais quand je découvrais pour la 1er
fois les films de Sautet et ses personnages tellement réels.
Grâce à Jean-Dominic
Leduc je peux maintenant expliquer pourquoi les bédés de Jimmy Beaulieu
m’apaisent et me fascinent autant.
Jean-Marc
Rochette, Le loup, Casterman
Jean-Dominic
Leduc, Jimmy Beaulieu, Dessin libre, Librairie Z bookshop
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