Darnand : Parcours d’un monstre.
Robert
Laplante
Parmi tous
les Français qui ont pactisé avec les nazis sous l’occupation, Joseph Darnand
reste un des plus détestés. Figure emblématique de la collaboration
enthousiaste et zélée, Darnand fait partie du panthéon des plus grands monstres
de l’histoire française. De héros irréprochable et inspirant de la Première
Guerre mondiale à exécuteur de résistant, Darnand a marqué la France par sa
trahison de la République, son alliance avec l’occupant allemand et sa haine
viscérale du communisme.
Monstre, Darnand
l’est. Mais il est plus que cela. Personnalité complexe, patriote à en mourir,
Darnand, grand admirateur de Pétain, est convaincu que seule une alliance avec
le Führer pourra mettre fin à la menace des communistes qu’il déteste tant.
Sans conteste le parcours de l’ancien Secrétaire général de la Milice française
est fait du matériau avec lequel se forgent les plus sombres légendes de
l’humanité.
C’est à ce
destin tragique et hors-norme que s’intéressent Bedouel et Perna dans Darnand
le bourreau français, une trilogie dont le dernier tome vient d’arriver sur
les tablettes de nos librairies.
À travers sa
relation, amour haine avec Ange Servaz, compagnon d’armes sur les théâtres de
la Der des Ders, qui lui a choisi la résistance au lieu de la collaboration, la
bédé scrute la personnalité manichéenne et incontrôlable, de celui qui ne se
pose jamais de question et qui fonce comme une locomotive folle convaincue de
la justesse de ses convictions.
En trois
tomes, aussi intéressant les uns que les autres, Patrice Perna raconte une
histoire riche et subtile. Il essaie de le comprendre sans ne jamais
l’humaniser, l’excuser, le rendre sympathique ou le démoniser. À la manière
d’un historien, Perna trace un portrait sans partis pris idéologiques. Le tout
appuyé par la mise en page rythmée et le trait brutal, sans concession de
Bedouel. Un trait qui traduit avec évocation la violence de la période et du
bourreau des Français.
Personnage implacable,
terrifiant et intransigeant, Darnand, à la conclusion de chacun des tomes,
reste un monstre. Un monstre certes, mais qui a une histoire. Un passé qui nous
permet de mieux saisir les dérives de son aveuglement, de ses trahisons et de
ses boucheries commises au nom de sa haine féroce contre le communisme.
Darnand,
création d’une époque où les idéologies politiques devenues religion et où les
partisans devenus croyants aveuglés par leurs convictions s’affrontaient violemment
et en toute impunité ? Pourquoi pas.
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