L’enfer est une tranchée qui n’est pas pavée de bonnes intentions.


                                                                           
                                                                             
 Par Robert Laplante

Le 6 janvier 1979, paraissait dans Battle Action les premières planches de La Grande Guerre de Charlie une des bandes dessinées les plus surprenantes de la production anglaise et une effroyable descente dans l’enfer de la Première Guerre mondiale signée Pat Mills et Joe Colquhoun

Jusqu’en 1988 le tandem témoignera de l’atrocité de la der des ders à travers les yeux de Charlie Bourne jeune bidasse anglais parachuté dans le cloaque des tranchées et de ses frères d’armes.

Inspiré par des romans antimilitaristes comme À l’Ouest, rien de nouveau d’Erich Maria Remarque et peut-être Johnny s’en va-t’en guerre de Donald Trumbo où Paths of Glory d’Humphrey Cobb adaptée admirablement au cinéma par Stanley Kubrick, La Grande Guerre de Charlie est une des bandes dessinées les plus fortes et les plus sauvagement réalistes que j’ai lues.

Avec sa recherche minutieuse, son sens de la narration, ses observations judicieuses sur l’absurdité de la Grande Guerre, sur les horreurs de la vie quotidienne dans les tranchées et sur l’impitoyable système de castes de l’armée anglaise, La Grande Guerre de Charlie est incontournable et bouleversante. Une œuvre impossible à lire d’une traite tant elle nous révolte et fait mal.

Appuyé par le trait puissant et violent de Colquhoun - qui transforme le statisme de la tranchée en un théâtre plein de souffrances, de cris, de peurs, d’insomnies, d’injustices et de révoltes, Pat Mills a concocté un vibrant pamphlet antimilitarisme sur la solitude des soldats égarés au cœur d’un enfer démentiel qui les marquera au fer rouge.
Une bande dessinée où chaque case est empreinte de l’odeur de la mort, des cadavres en décomposition, de l’urine, de la sueur, des sifflements des balles, des explosions des obus et des hurlements des blessés qui crèvent les boyaux à l’air, et, de soldats terrifiés, sacrifiés à l’autel de la gloire de politiciens, de riches industriels et de galonnés prétentieux planqués loin du casse-pipe.

                                               


Loin d’être une bédé de guerre classique où tout devient prétexte à des moments d’héroïsme et de testostérone hollywoodiens, La Grande Guerre, de Charlie trace un portait hyperréaliste de cette boucherie aussi puissante et évocatrice que ceux de Tardi.
Peu connut chez les francophones, vous ne pouvez pas, passer à côté, et ce, malgré la traduction franchouillarde un peu énervante à l’occasion.
Une œuvre majeure.

Pat Mills, Joe Colquhoun, La Grande Guerre de Charlie (10 tomes) Delirium.

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023