Manga et psychologie des foules
par Robert Laplante
.On connait
tous le proverbe berbère : « mieux vaut une vérité qui fait ma qu’un
mensonge qui réjouit. » Mais ça, c’est dans un monde idéal. Dans une société
aussi désabusée et cynique que la nôtre, c’est peut-être « un mensonge
fascinant vaut mieux qu’une vérité incommodante » qui serait plus de mise.
Surtout pour ceux qui désirent le pouvoir à tout prix et qui ont besoin pour
l’acquérir d’un maximum d’appuis.
Mais il
serait faux de penser que la maxime ne s’applique qu’à notre siècle. Déjà en
1895 le médecin, anthropologue, psychologue social et sociologue Gustave Le Bon
l’énonçait dans sa Psychologie des foules. Un livre qui a gardé une
étonnante pertinence et qui faisait partie en 2010 de la liste des 20 livres
qui avaient changé le monde élaboré par le quotidien Le Monde.
C’est cette
pertinence qui a sans doute encouragé Kurokawa de traduire en français
l’adaptation manga, qu’en a fait Gunshû Shinri. Une intention d’autant plus
intéressante qu’une bédé sur trois vendue en France est un manga.
J’aime bien
ces adaptations dessinées des œuvres majeures de la philosophie, de l’économie,
des neurosciences et des autres sphères de l’activité humaine. Elles m’ont souvent
permis de comprendre l’essentiel de concepts plus hermétiques ou méconnus.
Je
connaissais déjà les grandes lignes de la théorie de Le Bon. Comme je
connaissais déjà les grands épisodes de la Terreur, qui a assombri les espoirs
de la Révolution française, qui est au cœur du manga de Shinri. Mais même si le
matériel m’était plutôt connu, je dois avouer que j’en ai appris beaucoup. Le
bédéiste a su faire un manga captivant qui mélange adroitement les notions de
Gustave Le Bon et un suspense historique fascinant que l’on connait presque par
cœur.
Tout comme
la petite bibliothèque des savoirs du Lombard, la collection Kuro Savoir est
une excellente initiation à des notions qui souvent appartiennent à des
universitaires incapables de les vulgariser et de les démocratiser. Des
ouvrages de vulgarisation fabuleux qui savent décomplexer les notions les plus
complexes de la pensée humaine.
Et pour
Gustave Le Bon, bien que certains critiques aient placé son œuvre majeure dans
les limbes pendant plusieurs années, on doit bien avouer que sa Psychologie des
foules, reste toujours d’actualité. Que ce soit les dictateurs, les tenants
de la droite, de la gauche, de la diversité culturelle et sexuelle, du
nationalisme, du populisme, du multiculturalisme, les Social justice warriors et
les hyperconservateurs tournés vers le passé, tous, utilisent à un moment ou
l’autre les caractéristiques énumérées par Le Bon.
Comme quoi
plus ça change plus c’est la même chose.
Gunshû
Shinri, d’après Gustave Le Bon. Psychologie des foules, Kurokawa
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