Paul à la maison : Quelqu'un a des nouvelles de Paul ?


                                                             

 Par Robert Laplante

Bon, avec un petit peu de retard je parle enfin du dernier Paul de Michel Rabagliati. Vaux mieux tard que jamais. Et c’est tant mieux, parce que ce délai m’aura permis d’apprécier encore plus cette nouvelle chronique du quotidien d’un de nos plus intéressants bédéistes.

Une Suite, sans tout à fait l’être, plus sombre de l’émouvant Paul à Québec le nouveau Rabagliati parle encore du deuil. Du deuil de sa relation amoureuse, du deuil de sa fille qui le quitte pour allez vivre en Angleterre, du deuil de sa mère victime d’un cancer foudroyant qui refuse les traitements de chimio et du deuil de sa jeunesse puisqu’il franchit le cap terrifiant de la cinquantaine. Exit, la jeunesse, et bonjour, les remises en question existentielles et physiques.

Alors que je croyais qu’il avait tout dit avec Paul à Québec, Rabagliati m’a encore surpris. Peut-être tout simplement parce que j’ai franchi moi aussi, et presque au même moment que lui, le cap de la cinquantaine. Peut-être parce que ma mère a eu un cancer foudroyant et refusé les traitements de rémission parce qu’elle était lasse de vivre dans un corps en perte de vitalité. Peut-être tout simplement parce que les souvenirs du bédéiste trouvaient des échos dans les miens.
Il y a dans l’œuvre du créateur une puissance évocatrice qui fait vibrer, chez les Montréalais nés dans les années 60, une corde sensible. Un peu comme La petite patrie de Claude Jasmin, qui rejoignait les souvenirs des adolescents montréalais nés dans l’entre-deux-guerres, les albums de Paul font remonter à la surface des réminiscences communes chez tous les Montréalais qui ont vécu leur jeunesse et leur adolescence durant les années 70 et les années 80.
Cette puissance évocatrice, ce lien d’identification, ce regard sans complaisance sur son quotidien, ses observations hilarantes (toutes ces tentatives pour maîtriser son apnée du sommeil sont tellement drôles, pertinentes et justes), son dessin sympathique et son dosage parfait entre l’humour et l’émotion font de Paul à la maison une  très belle réussite.

Plus tristounet que les albums précédents, moins naïfs et moins bon enfant que les albums sur son adolescence et sur sa vie de jeune adulte, le nouveau Rabagliati est teinté de la couleur pluvieuse et froide du mois de novembre et d’un hiver gris avare de soleil.
Mais tout comme le cerisier qu’il plante à la fin de l’album, on sent que Paul va renaître pour notre plus grand plaisir et pour nous raconter encore ses tranches de vie si proche des nôtres… Enfin on l’espère.

Jamais je n’aurais cru, après Paul à Québec et Paul dans le Nord, que Rabagliati était encore capable de me séduire et de faire repartir la machine à souvenirs.

Force est d’avouer qu’il a encore une fois réussi son coup.

Michel Rabagliati, Paul à la maison, La Pastèque.


Peut-être parce que j’ai passé ce cap moi aussi et que j’ai vécu aussi le cancer foudroyant de ma mère

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