Aldobrando : Un jour tu seras un homme mon fils.


                                                             
 Par Robert Laplante

Ce n’est pas parce que nous sommes en plein confinement et qu’il fait aussi chaud que dans la gueule de Smaug qu’on doit s’empêcher de lire des contes initiatiques, surtout quand ils sont sous la forme d’une bande dessinée. Si vous aimez le Moyen Âge de fantasy, les héros naïfs, les brutes taciturnes au grand cœur, les orphelines ingénues, les meurtriers calculateurs et pleutres et les rois méchants et avides de pouvoir, Aldobrando devrait vous satisfaire. En tout cas, il m’a fait passer un bon moment.

Aldobrando est le jeune assistant d’un grand magicien. Naïf, il doit parcourir le vaste monde à la recherche de l’herbe du loup. Une plante médicinale essentielle pour sauver son maître sur le point de mourir d’une terrible infection. Le hic c’est qu’Aldobrando n’est jamais sorti de sa cabane, qu’il ne connait rien, ni du vaste monde ni de ses habitants. Sa quête ne sera pas de tout repos. D’autant plus qu’il se trouvera à corps défendant mêlé à l’assassinat du fils du Roi des Deux Fontaines, un dictateur fat particulièrement antipathique, ce qui arrive à l’occasion.

Récit initiatique signé Critone et Gipi, Aldobrando est une belle découverte. Une lecture d’été rafraichissante comme une brise inattendue d’un après-midi caniculaire. Il faut dire que le dessin tout simplement magnifique de Critone, ici le mot est faible, nous séduit dès la première scène. Celle où la pluie drue, froide comme la pluie d’un novembre lausannois, semble tellement réelle qu’elle pénètre dans nos os et réveille nos vieilles blessures.
                                                     

Critone qui nous avait tant impressionnés avec son : Je, François Villon nous propose, ici, un graphisme trempé dans une émotion pure qui transpire de chaque trait, de chaque ligne, de chaque visage. Sous sa plume les cachots sont encore plus terrifiants, plus humides, les forêts plus inquiétantes et les nuits plus oppressantes. Sans contredit le superbe dessin de Critone sert à merveille une histoire diablement bien racontée.
Gipi, quant à lui, réussit à se mouler parfaitement dans les codes des fables initiatiques si chers à Jim Campbell. D’ailleurs Aldobrando est une illustration efficace de sa théorie sur le parcours du héros. Mais à la différence de l’anthropologue américain, le scénariste y glisse aussi un second degré, une touche d’absurdité et un parfum de dérision qui, sans être aussi développés que celui de Shrek, lui donnent une dimension plus humaine, plus authentique, moins héroïque. Comme si en utilisant le rire, la dérision et la fragilité des personnages il créait le lien parfait pour que nous nous identifiions à eux. Eux qui partagent nos folies, nos faiblesses, nos rêves, nos peurs, nos mensonges, nos lâchetés et nos incohérences.

Quand deux grands conteurs se rencontrent, il est évident que le résultat donne Aldobrando.
Une belle surprise.

Critone, Gipi, Aldobrando, Casterman.

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