La vallée des immortels : Du rififi dans le Mékong
Par Robert
Laplante
C’est un
fait connu que j’aime beaucoup les relectures des héros de mon enfance. Je ne
suis pas tellement du genre : c’était meilleur dans mon temps. Le
rigorisme je m’en balance pourvu que ces nouvelles lectures soient
intéressantes. Et ce que je trouve le plus fascinant encore c’est quand les
nouveaux auteurs se donnent le droit de combler les trous et les zones d’ombre
de ces œuvres qui font partie de moi.
C’est le cas
pour Blake et Mortimer dont j’apprécie chacune des nouvelles parutions. Elles
ne sont pas toutes géniales, mais elles permettent de lever le voile sur des
sentiers qu’Edgar P. Jacobs n’avait pas encore eu le temps d’explorer. Je le
répète, j’aime Blake et Mortimer et peut-être même plus depuis la mort du
créateur.
Il va sans
dire que j’attendais avec fébrilité le deuxième tome de La vallée des
immortels. Nouvelle aventure qui nous amenait en pleine Chine continentale
à l’aube de la victoire des communistes de Mao Tsé-Toung sur les troupes de Tchang
Kaï-chek en fuite vers Formose. À ce chaos s’ajoutent les menaces que les
communistes triomphants et les seigneurs de guerre rebelles font peser sur la
vieille cité de Hong-Kong perle de l’Empire britannique d’Asie.
Pas besoin
de faire le résumé de ce deuxième tome. Mais dites-vous que comme à son
habitude le tandem se retrouve au cœur de ce chaos. Le tout sur fond de guerre
froide, de courses à l’armement et de l’ombre démoniaque d’Olrik.
Le premier
tome m’avait beaucoup enthousiasmé. Yves Sente avait conçu une intrigue
séduisante, efficace, pleine de rebondissements haletants. Un page-turner aussi
inspirant que titillant pour les amateurs de thrillers de politique-fiction.
Appuyé par le dessin évocateur de Berserik et Van Dongen le scénariste qui
connait Jacobs presque plus que Jacobs ne se connaissait lui-même avait mis la
table pour une conclusion qui s’annonçait tout bonnement fabuleuse.
Hélas… Peut-être
que mes attentes étaient trop élevées ? C’est bien possible. Mais ce qui est
sûr c’est que je suis un peu perplexe après la conclusion de cette Vallée
des immortels. Entendons-nous bien, ça reste une bonne histoire
d’espionnage du début à la fin. Mais tellement loin de ce que je m’étais imaginé.
Malheureusement
Sente n’a pas réussi à tenir le rythme qu’il avait construit dans le premier
opus. On le sent moins en contrôle de son intrigue. Il a de la difficulté à
attacher ensemble les nombreux fils qu’il a semés tout au long des pages du
tome précédent. Même si son écriture est toujours aussi efficace, même s’il
sait, en vieux bourlingueur a-qui on ne-la-fait pas, raconter avec brio une
histoire d’aventure et d’espionnage au parfum enivrant de la guerre froide. On
le sent moins inspiré, plus évaporé. Comme s’il avait disséminé trop de
cailloux et qu’il s’était perdu sur les nombreux chemins qu’il voulait nous
faire visiter. Et l’ajout d’une touche inattendue de fantastique, bien
qu’intéressant, ressemble à un subterfuge pour se sortir d’un marais
scénaristique dans lequel il s’est empêtré. Une touche fantastique qui
s’imbrique difficilement dans ce drame d’espionnage réaliste.
I Du côté
des dessinateurs, qui bien que très respectueux du trait de Jacobs lui
insufflent difficilement un souffle épique. Il faut dire que le scénario touffu
qui demande un nombre incroyable de petites cases surchargées ne les aide pas à
démontrer toute la richesse de leur palette graphique.
Plus j’y
pense et plus je me dis qu’un troisième tome aurait été le bienvenu. Il aurait
permis aux auteurs de mieux maîtriser cette histoire pleine de promesses.
C’est
dommage, mais ça arrive. Toutefois ça n’enlève rien au plaisir que j’ai à
fréquenter régulièrement Blake et Mortimer.
Sente,
Berserik, Van Donger, La vallée des immortels, tome 2 le millième bras
du Mékong, Blake et Mortimer.
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