Quatorze Juillet, le côté obscur du bien.

                                                        

Robert Laplante

Qu’est-ce que le bien ? Qu’est-ce que le mal ? Toute une question à répondre d’autant plus que la frontière entre les deux est tellement tenue, qu’elle en est presque invisible. Bien souvent en voulant faire le bien, on peut faire pire aussi. Une bonne action peut facilement tourner au vinaigre et devenir une action maléfique. Un remède pire que la maladie qu’il devait guérir.  

Vercors, Jimmy est un jeune gendarme ambitieux. Ambitieux, mais inquiet d’un possible attentat terroriste dans son coin de pays. Mais Jimmy n’est pas qu’ambitieux, il est aussi et surtout profondément bon et humain. C’est pourquoi il prend sous son aile Vincent, un artiste peintre en panne d’inspiration, venu dans le Vercors avec sa fille pour faire le deuil de sa compagne victime d’un attentat islamiste à Paris. Mais est-ce que le gendarme peut véritablement sauver un Vincent de plus en plus inquiétant ? Et son besoin de le protéger ne risque-t-il pas de l’entrainer dans une spirale de catastrophes ?

Quatorze Juillet, est la toute nouvelle bande dessinée de Bastien Vivès. Avec la collaboration de Martin Quenehen l’auteur du très beau : Une sœur


                                                     


et Le chemisier

                                                    

nous proposent un fascinant polar contemporain dessiné. À vrai dire, je ne sais pas si on peut le qualifier de polar, il faudrait demander à Christophe c’est lui l’expert. J’ai plutôt le sentiment que nous sommes dans autre chose. Dans quelque chose de plus réflexif, dans une exploration nuancée de la frontière entre le bien et le mal et dans une descente en douceur dans les tréfonds de l’âme, là où les blessures ne se cicatrisent jamais.

Avec son trait minimaliste, élégant, économe et émotif, Vivès propose une réflexion inspirante aux couleurs de l’hypnotisant rythme lent du quotidien de ces petites tranquilles agglomérations rurales et françaises. Une réflexion où chaque mot et chaque geste ont un rôle à jouer. Où rien n’est surjoué. Parce que la justesse des mots, des gestes, des personnages, des décors et des émotions est remarquable dans ce Quatorze Juillet.

Si Vivès sait magnifiquement jouer avec les silences. S’il sait les mettre en évidence sans aucune insistance. Il sait aussi mettre en scène adroitement les subtilités du temps qui ralentit et accélère imperceptiblement au gré du déroulement de l’intrigue. Et cela sans ne jamais nous oppresser ou nous déranger. Tout coule de source et s’enchaîne naturellement au rythme de la vie qui passe et de la nature.

Bande dessinée réflexive, bande dessinée impressionniste, Quatorze Juillet est une troublante randonnée sur cette frontière presque invisible entre le mal et le bien. Comme un funambule talentueux Jimmy le gendarme valse sans son filet de sécurité sur le mince fil qui les sépare. Et comme un funambule trop sûr de lui, il finit par se brûler les ailes et commettre l’irréparable.

Une bande dessinée essentielle en ces temps troublés où on s’invective à qui mieux mieux, vociférant haut et fort nos vérités et les torts des autres.

Bastien Vivès, Martin Quenehen, Quatorze Juillet, Casterman.


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