Complotez, complotez, il en restera toujours quelque chose (III)

                                                               

 Par Robert Laplante

J’adore les complots. Pas y participer bien sûr… quoique… mais plutôt lire des bouquins ou visionner des films et des documentaires qui en traitent. Surtout quand ils sont politiques.

Mais attention pas les invraisemblables, pas ceux qui ne tiennent pas la route. On pense par exemple à celui sur la fluorisation de l’eau pour affaiblir notre jugement. Ou encore aux supposés tunnels secrets entre le Canada et les prairies américaines pour y envoyer à notre insu nos réserves d’eau. Une demande qu’aurait acceptée, parait-il, le Canada lors des négociations de l’Accord commercial Canada–États-Unis de 1989.

Non, j’aime les complots plausibles. Ceux qui soulèvent des questions que sont incapables d’expliquer les interprétants officiels. Ces complots sont fascinants parce qu’ils pourraient être vrais.

Le complot des complots.

On le sait, l’assassinat de John.F.  Kennedy fut le complot des complots. Celui qui encore aujourd’hui contient plus d’interrogations que de réponses satisfaisantes. Celui qui titille encore la curiosité du grand public et qui nourrit les fantasmes des conspirationnistes et l’imagination des créateurs. En bande dessinée, la mère des complots c’est bien sûr XIII, l’excitante conspiration signée Jean Van Hamme et William Vance.

Véritable abécédaire d’un complot politique, XIII contient tout, ce que la science du conspirationnisme nous a appris. Mené de main de maître par un Van Hamme en grande forme qui n’a rien à envier aux John Le Carré, Frederick Forsyth et autres Robert Ludlum, XIII, du moins le premier cycle, est sans aucun doute une des plus grandes bandes dessinées toutes époques confondues. Un époustouflant jeu de pistes d’une implacable logique où chaque révélation, bien préparée, coule de source, sans qu’aucun tour de passe-passe n’apparaisse subitement pour résoudre une situation inextricable dans laquelle se serait sans doute empêtré un scénariste moins talentueux.

Et que dire du dessin puissant de Vance qui nous scotche littéralement avec ses gueules héritées du nouvel âge d’or d’Hollywood.

Une très grande série, ce qui n’est pas le cas de l’adaptation télévisée.

Plus ça change plus c’est la même chose


                                                 

Il n’y a pas qu’avec XIII que Van Hamme a fait la démonstration de ses talents de chroniqueur du conspirationnisme. Il y a aussi S.O.S Bonheur une vitriolique dystopie chorale au parfum de This Perfect Day ce roman d’Ira Levin publié en 1970 qui avait beaucoup impressionné l’adolescent que j’étais.

À partir des destins de quelques victimes d’une conception du bonheur dictée par les gouvernements, Van Hamme propose une bande dessinée où le pessimisme « orwellien  » l’emporte sur l’exaltation des révolutionnaires qui rêvent, eux aussi, d’imposer unilatéralement leur bonheur.


                                             

Hélas les véritables maîtres du monde, ces multinationales qui font et défont les gouvernements, financent et arment autant les défenseurs des régimes que les opposants. Ainsi ils sortent toujours gagnants et continuent de tirer dans l’ombre les ficelles du pouvoir pour bien protéger leurs investissements.

« Plus ça change plus, c’est la même chose » chantait Rush dans Circumstances.

L’héritage de l’homme de fer.


                                                  

Les complots ne sont pas toujours des fabulations qui expliquent tout et rien. Il y en a beaucoup qui ont réellement existé. Jules César n’a-t-il pas été victime d’un complot organisé par les libatores de Brutus?

Les extrapolations autour de ces véritables complots produisent souvent des œuvres plus intéressantes que les conspirations fictives. Tout simplement à cause de la plausibilité. Il y a quelque chose d’intellectuellement excitant à lire ou regarder ces extrapolations. Comme si nous devenions, nous aussi, témoins de l’Histoire.

2 mars 1953. En pleine nuit, Joseph Staline, le petit père des peuples, le maitre absolu de l’URSS, des pays satellites et de presque toute la mouvance communiste mondiale fait une attaque cérébrale. Le 5 mars suivant, le monde entier apprend avec stupéfaction pour les uns et soulagement pour les autres le décès d’un des monstres les plus sanguinaires du XXe siècle.

Presque trois jours entre son attaque et l’annonce de sa mort. Le temps que sa garde rapprochée s'entre-déchire pour s’arroger le pouvoir suprême. Juste assez de temps pour des conspirations, des guerres fratricides, des alliances, des trahisons, des vérités occultées et des coups de Jarnac. Un délai où tous les coups sont permis, où les reproches et les lâchetés de chacun sont mises au grand jour. Si nous ne sommes pas dans une conspiration, je ne sais vraiment pas où nous sommes?

La mort de Staline de Nury et Robin fait partie de ma courte liste de bandes dessinées incontournables. Une bédé, toujours aussi passionnante après plusieurs lectures, qui traite avec intelligence, humour et cynisme de l’implosion d’une utopie assassinée par un despote psychopathe et ses apôtres opportunistes.

Thriller fascinant La mort de Staline fait valser judicieusement le conspirationnisme vraisemblable avec la réalité historique.

Une grande réussite, adaptée au cinéma en 2017, que vous pouvez lire en préambule à la magnifique Partie de Chasse de Bilal et Christin.

 

Van Hamme, Vance, XIII cycle I 19 albums (dont un dessiné par Giraud) Dargaud.

Van Hamme, Griffo, SOS Bonheur 3 tomes, Dupuis.

Desberg, Griffo, SOS Bonheur, saison II 2 tomes, Dupuis.

Nury, Robin, La mort de Staline 2 tomes, Dargaud.


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