Le banquier du Reich : l’argentier du mal.
Par Robert
Laplante
Rien n’est
plus fascinant que la banalité du mal. Ce mal ordinaire qui se cache en nous, qui
fait ressortir les recoins les plus sombres de notre psyché, qui se cache
derrière une bureaucratie et une chaîne de commandement froide et impersonnelle
qui déresponsabilise l’individu. Parce que derrière chaque monstre sanguinaire de
l’Histoire il y a ce système complice silencieux ou non de sa folie.
Hjalmar
Schacht est un génie de la finance. Un magicien de l’économie qui a sauvé trois
fois l’Allemagne de la banqueroute. Un sorcier qui a aussi aidé Hitler et le
parti nazi à prendre le pouvoir avant de conspirer pour l’évincer, lui et son
parti de fanatiques, du pouvoir. Interné dans un camp de concentration, libéré
par les alliés, jugé et acquitté par le tribunal de Nuremberg, conseiller des
nations en développement de l’après-guerre, Schacht est un personnage brillant.
Un économiste de talent certes, mais aussi un être controversé, énigmatique, arrogant,
capable du meilleur, comme du pire.
C’est cet humain insaisissable qui est au centre du Banquier du Reich une intéressante bande dessinée signée Pierre Boisserie, Philippe Guillaume et Cyrille Ternon.
Intéressante, parce que le Schacht à la superbe impressionnante
est fascinant. Fascinant, inquiétant, mais surtout trop assuré. Imaginez, il pense
être capable de brider le petit caporal et d’en faire sa marionnette. Malheureusement
pour lui, n’est pas marionnettiste qui veut. Et comme plusieurs le comprendront
à mesure que le Führer consolidera son emprise sur le pouvoir, il est
impossible de le mettre dans sa poche, ni lui, ni sa garde rapprochée.
Boisserie et
Guillaume explorent avec nuance ambiguïté de l’apprenti sorcier qui ne contrôle
pas la créature qu’il a contribué à mettre au pouvoir. Totalement antipathique,
pétri d’une assurance malsaine, incapable de douter de son jugement, le grand
argentier flirte dangereusement avec les dérives idéologiques et racistes du
pouvoir nazi, en tentant, de ne se jamais laisser éclabousser. Sous leur plume
observatrice, l’économiste devient la quintessence de la banalité du mal.
Si
l’intrigue est bien développée et capte dès le début notre attention, le dessin
de Ternon, lui, est un peu trop conventionnel, presque impersonnel, froid, propret,
statique. Oui il est efficace et élégant, mais il lui manque un peu
d’inspiration, un brin du souffle de génie qui aurait pu traduire encore mieux
le destin hors du commun de celui qui a côtoyé les pires monstres de l’Histoire
et toujours s’en sortir.
Et c’est
dommage parce qu’avec un dessin plus inspiré, plus rythmé et plus chaud, Le
banquier du Reich aurait pu être une bande dessinée exceptionnelle.
Pour
l’instant elle reste une bande dessinée intéressante. Ce qui est quand même une
réussite en soit. Mais elle aurait pu être tellement plus avec un dessin plus
audacieux et moins didactique.
Boisserie,
Guillaume, Ternon, Le banquier du Reich, tome 1 Glénat.
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