Tif et Tondu : Z’avez pas vu Kiki?

                                                                                     

 Par Robert Laplante

Personnages emblématiques du beau journal de Spirou, Tif et Tondu ont connu une vénérable carrière dans les pages du mythique illustré de Marcinelle. Une vénérable carrière et plusieurs papas qui, entre 1938 et 1997, les ont baladés à travers le monde à la défense de la veuve et de l’orphelin. Et ce, au plus grand malheur de tous ces méchants d’opérettes qui ne rêvaient que d’une chose : assouvir en toute quiétude leurs desseins aussi maléfiques que grand-guignolesques.

L’excellent dessinateur Blutch et son frangin Robber s’ajoutent maintenant à la liste prestigieuse de ces bédéistes qui ont fait vivre des aventures rocambolesques et déjantées à nos deux héros. D’entrée de jeu, je dois avouer que je n’ai apprécié que timidement leurs aventures précédentes, du moins celles que j’ai lues. Pas à cause des bédéistes, pas à cause des personnages et encore moins à cause des aventures. À vrai dire, je ne sais pas pourquoi je les aimais plus ou moins. Mais ce que je sais, c’est qu’elles ne me parlaient pas et que je les lisais rapidement jadis quand je potassais mes Spirou.


                                                 

Mais j’aime beaucoup Blutch. Alors si un auteur devait réussir à me faire apprécier leurs aventures, c’était bien lui. Est-ce qu’il a réussi son défi ? Oui, même si je dois reconnaître que j’ai quelques réserves scénaristiques.

Rien ne va plus pour les deux justiciers/romanciers. Après avoir mis sous les verrous l’antiquaire Patrice Goret de Saint-Guy, ils doivent maintenant retrouver une de leurs amies proches, Kiki, mystérieusement disparu. Mais où est Kiki ? A-t-elle été enlevée comme tout semble l’indiquer ? Et pourquoi s’accumulent de mystérieux incidents depuis la sortie de leur bouquin sur l’affaire Goret de Saint-Guy ? Est-ce que par le plus grand des hasards les deux événements seraient liés ? By Jove, comme disaient deux célèbres Anglais de papier.


                                               

Grands amateurs, depuis leur enfance, de Tif et Tondu, Blutch et Robber s’avèrent les candidats idéaux pour reprendre les héros créés par Fernand Dineur un peu avant la Seconde Guerre mondiale. Tout au long de l’album, on sent un amour, une connaissance et un respect pour leur univers. Loin d’encarcaner l’imagination débordante du tandem, l’univers très typé de Tif et Tondu permet au contraire au duo d’aller plus loin, de le tordre un peu, de les envoyer là où des bédéistes moins connaisseurs n’auraient pas pu les envoyer.

Avec un sens de la répartie absolument irrésistible - que n’aurait renié ni Maurice Tillieux, ni Michel Audiard, ni Leo Malet - et du rebondissement, les auteurs concoctent une sympathique intrigue policière, sans effets spéciaux, coups de théâtre tonitruants et explications psychologiques tordues, dans le Paris de la petite criminalité. Celui des quasi sympathiques petits malfrats aux gouailles puissantes et à l’argot irrésistible qu’on a tant vu dans les films de Lautner, les romans de Giovanni et d’Auguste Le Breton et les enquêtes de Nestor Burma.


                                           

Et si on peut reprocher à Robber, l’arrimage un tantinet échevelé des deux enquêtes, on ne doit surtout pas se priver du plaisir de lire: Mais où est Kiki ? Ne serait-ce que pour le trait éblouissant, tout en rythme et en urgence de Blutch qui insuffle une cure de jouvence aux deux héros qui semblent bien heureux de retrouver cette seconde jeunesse.

Je ne sais pas si les deux frangins vont se frotter une nouvelle fois à eux, mais il est évident que pour un galop d’essai c’est toute une réussite. Une réussite qui pourrait peut-être même occulter les autres albums de la série.

Blutch, Robber, Tif et Tondu, Mais où est Kiki ? Dupuis.

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