Black Squaw : la faucheuse de marguerites.
Robert
Laplante
Ce qu’il y a de bien avec ces mouvements qui veulent faire reconnaître l’apport des communautés culturelles dans la construction des sociétés blanches occidentales, un apport occulté par l’histoire officielle, c’est que jour après jour nous découvrons des personnages exceptionnels aux exploits tout aussi exceptionnels qui auraient dû faire partie depuis longtemps du panthéon des modèles inspirants.
Par chance de plus en plus d’auteurs s’intéressent
à ces destins hors du commun. Des destins d’autant plus impressionnants qu’ils
ont évolué dans des sociétés qui les méprisaient, les traitaient en citoyens de
seconde zone ou les ignoraient. C’est le cas de Bessie Coleman dont la vie plus
grande que nature vient d’être immortalisée en bande dessinée par Yann et
Henriet.
Bessie Coleman
fut une aviatrice américaine. Une des premières noires à piloter un aéroplane et la première Afro-Américaine à avoir une licence internationale de vol. Inspirée par les exploits des aviateurs alliés de la Première Guerre mondiale, dont Eugene Bullard,
premier pilote de chasse afro-américain, elle
décide de devenir pilote.
Hélas,
devenir une faucheuse de marguerites, entrer dans le club sélect des conquérants
des airs, relève presque des 12 travaux d’Hercule dans une société aussi
raciste que celle de l’Amérique de l’Entre-deux-guerres. Surtout lorsque vous
êtes, comme elle, moitié afro-américaine, moitié autochtone.
Elle a donc tout
pour choquer l’Amérique. Surtout le KKK qui veut sa peau. Une chance pour elle,
le petit César de Chicago l’aime bien. Il faut dire qu’avec son coucou et son
gout du risque, elle est parfaite pour aller chercher l’alcool canadien et
européen qui alimentent les « blind pig », illégaux du balafré.
Fiction
enlevée, autour de la vie de , ce premier tome de Black Squaw se laisse lire
avec plaisir. Yann raconte avec sa verve habituelle les exploits de cette femme
imposante. Des exploits où la vérité et la fabulation se fondent l’une dans l’autre.
À tel point qu’on se demande où s’arrête la vérité et où commence la légende.
Mais à vrai dire on s’en fout puisque Yann sait lui donner le parfum de
crédibilité nécessaire pour nous faire sauter à pieds joints dans cette fabuleuse
épopée.
Henriet de
son côté avec ses plans larges, vivants, dynamiques et son trait élégant est le
complice parfait pour donner une dimension mythique à Coleman. Parce qu’il est
indéniable que dans une époque moins raciste elle aurait alimenté en Amérique
et dans le monde les histoires racontées autour du feu, dans les romans, les
revues de gare, les journaux, les chansons et le cinéma. Comme on l’a fait avec
Lindbergh et les autres grands pionniers de l’aviation. Il faut bien le
reconnaître, elle est faite du bois dont on fabrique les grands héros
populaires.
Bien sûr on
pourrait reprocher à Black Squaw d’être une bande dessinée d’aventure classique.
Ce qui est tout à fait vrai. Elle ne réinvente pas le genre. Mais elle est
drôlement efficace et réjouissante. Elle capte notre intérêt dès la première
case, et ce, jusqu’à la conclusion du premier tome.
«Une bande
dessinée classique surement. Mais elle nous fait passer un très bon moment. Et
c’est ce qui est plus important.
Yann, Henriet, Black Squaw tome 1 Night Hawk,
Dupuis.
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