No War : Il y a quelque chose de pourri dans le royaume du Vukland.
Robert
Laplante
Les temps
sont inquiétants. On s’attendait à un XXI siècle optimiste, du moins selon les
promesses des chantres de cette ère du Verseau qui se fait toujours encore
attendre. Mais manifestement ce n’est pas le cas. Au contraire loin d’être un
paradis les premières décennies du XXIe siècle sont sombres, négatives et angoissantes
avec ces dogmes idéologiques, ce retour d’un religieux intransigeant, même
quand il est laïc, ces conspirationnistes agressifs et ces figures populistes
qui souffrent, et sans doute depuis l’enfance, du trouble de l’opposition. De
quoi ébranler notre optimisme et nourrir notre cynisme naturel qui ne demande,
qu’a se manifester. Si la situation actuelle est anxiogène, il faut aussi
reconnaitre que ça fait de très bonnes œuvres de fiction. Des œuvres comme No
War d’Anthony Pastor, une haletante bande dessinée d’anticipation-politique
un brin pessimiste, dont le 4e tome vient d’arriver dans nos
librairies.
Le Vukland,
pays nordique aux parfums islandais, se dirige vers une crise inextricable. Les
tensions intercommunautaires s’exacerbent autour du projet de barrage sur les
terres sacrées du peuple KIVIK, une nation autochtone qui habite ce territoire
depuis la nuit des temps. L’élection contestée d’un nouveau président populiste
envenime une situation déjà tendue. Il ne manque qu’une étincelle pour que tout
s’embrase. Le tout sur fond de guerre énergétique entre la Chine et les
États-Unis pour le contrôle de ses richesses hydrauliques.
Une prémisse
passionnante pour une bédé qui l’est tout autant. Album après album No War
ne perd jamais de son intérêt. Loin de s’essouffler, la bédé de Pastor gagne
même en efficacité avec chaque nouveau chapitre. Il faut dire que le créateur
maitrise de mieux en mieux son univers et affine au gré des parutions ses arcs
narratifs. Conteur de grand talent, le bédéiste a disséminé au fil de ses tomes
précédents des informations essentielles à sa saga qui prennent une autre
couleur à mesure que les évènements se radicalisent et que la tension augmente
sur cet archipel en plein milieu de l’Atlantique septentrional.
Comme John
Le Carré ou Frederick Forsyth, Pastor fait bouillir imperceptiblement la
marmite à coup de subtils rebondissements et de coups de théâtre nuancés. Loin
de verser dans l’esbroufe, une tentation qui pourrait en séduire plus d’un, il
laisse le temps au climat anxiogène de s’installer, sans précipitation, sans
tourner les coins ronds. Alors qu’il aurait pu finir sa saga avec un 4e
tome tonitruant aux révélations aussi soudaines qu’insoupçonnées, il a préféré
prendre son temps, ne pas hâter sa conclusion et ne pas trahir la logique
interne qu’il a mise en place dans les trois tomes précédents.
Plus je me
plonge dans No War, plus je me régale de cet efficace thriller
d’anticipation politique construit intelligemment et sans temps mort. Bien des auteurs
auraient intérêt à lire avec intérêt cette série. Ne serait-ce que pour savoir
comment mener rondement une intrigue passionnante sans en mettre trop ou pas
assez.
Anthony Pastor, No War, 4 tomes, Casterman.
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