La machine Ernetti : le téléviseur de la discorde.
Par Robert
Laplante.
Quelques fois on tombe sur un roman qu’on avale littéralement, qu’on lit d’une traite. Qui fait disparaitre le temps et les gens autour de nous. Qui nous empêche de vaquer à nos occupations quotidiennes. Parfois, nous découvrons un roman qui nous marque et qui comble nos passions. Pour moi : il y a eu Le Seigneur des anneaux de Tolkien, Le Nom de la rose d’Umberto Eco
et L’homme qui devint Dieu de Gérard Messadié.
Maintenant, il y a La machine
Ernetti, un haletant suspense historico-religieux signé Roland Portiche qui
se joint à ce club sélect.
Vatican,
quelques années avant la fin des années 50. Le père Pellegrino Ernetti,
jeune prêtre doté d’un esprit scientifique hors du commun, est mandaté par le
Pape Pie XII et son bras droit Giovanni Battista Montini (le Paul IV)
pour terminer les travaux du physicien Ettore Majorana. Ce dernier, selon une
rumeur persistante, aurait élaboré une machine à filmer le passé. Un
chronoviseur comme Ernetti la nomme en l’honneur d’une machine semblable décrite
par Isaac Asimov dans sa nouvelle de 1956 The Dead Past
Imaginez l’aubaine pour le Vatican si jamais il
fonctionne. Captez la vie du Christ et sa résurrection pourrait avoir un effet
positif pour la foi des chrétiens. Surtout dans cette période de remise en
question du christianisme, de fulgurants progrès scientifiques, technologiques
et historiques, d’impressionnantes découvertes archéologiques, notamment les
Manuscrits de la Mer morte, de contestation de l’ordre établi par des
mouvements sociaux revendicateurs et d’affrontements entre les États-Unis et
l’URSS.
Une machine
à photographier le temps, même construite dans une officine aussi contrôlée que
les archives du Vatican, ne peut rester très longtemps secrète. Rapidement
Américains et Soviétiques s’y intéressent. Tout comme une faction radicale du
clergé qui y voit une façon de contester le conservatisme d’une Église qui a
depuis longtemps renié les enseignements révolutionnaires du Christ au profit
d’une collaboration payante avec les puissants de ce monde.
C’est sans compter sur un nouveau successeur
de Saint Pierre, Paul VI, qui, bien que l’initiateur du projet commence à la
percevoir comme une véritable boite de Pandore.
Un cadeau empoisonné qui pourrait causer plus de tort que de bien. Et si
la machine altérait l’histoire ou pire encore, si elle démontrait hors de tout
doute que le Christ n’avait jamais existé…
Incroyable suspense
d’une efficacité implacable, truffé d’informations sur la science,
l’archéologie, l’histoire de l’Église et la géopolitique des premières années
de la guerre froide, La Machine Ernetti a un souffle épique, une
intelligence et un sens de la vulgarisation scientifique, historique,
théologique et archéologique qui me rappelle le célèbre roman d’Eco et la série
de romans christiques de Messadié.
Avec son
écriture efficace, son sens du coup de théâtre, sa judicieuse intégration des
notions scientifiques et historiques, Portiche propose un thriller costaud qui m’a
séduit du début à la fin. À des années-lumière du surfait Code Da Vinci,
La machine Ernetti repose sur une recherche sérieuse que l’auteur
métisse adroitement à une enquête d’espionnage pleine de rebondissements.
Sans
contredit une des meilleures réussites du genre le bouquin de Portiche m’a réjoui
et m’a enthousiasmé. En dévorant les pages je retrouvais le même plaisir, le mime
engouement, la même urgence de lire goulument les pages que j’avais eu lorsque
je dévorais Le Nom de la rose et L’Homme qui devint Dieu.
Un grand cru
qui m’a redonné le goût de fréquenter de nouveau ces thrillers historico- religieux
que j’avais délaissés ces dernières années. Parce qu’ils finissaient tous par emprunter
et copier avec plus ou moins de succès les sentiers défrichés par Dan Brown.
Roland
Portiche, La machine Ernetti, Albin Michel.
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