L’esclave de Khorsabad; la malédiction de Dur-Sharrukin
Par Robert Laplante
Les lecteurs qui me suivent le savent,
j’aime beaucoup les réinterprétations des héros dessinés qui ont marqué mon
enfance et mon adolescence. Surtout quand leurs nouveaux auteurs les réinventent et
explorent certaines zones que leurs créateurs avaient passées sous silence ou
moins abordées. C’est le cas d’Alix que Valérie Mangin et Thierry Démarez ont
littéralement dépoussiéré en le sortant de son classicisme rigide et en lui
permettant de renouer avec des périodes plus obscures de son passé.
Bien sûr, les
11 tomes de cette série ne sont pas tous géniaux, mais en général ce sont d’excellentes
bandes dessinées graphiquement, autant sur le plan du scénario, que la rigueur
historique. Le tout dernier album L’esclave
de Khorsabad fait indubitablement
partie des meilleurs de la série. Une aventure solidement menée par notre ami Alix
en grande forme, qui éclaire une ombre sur son passé et qui fait le lien avec
sa toute première aventure publiée dans le journal Tintin en 1948-1949 et en
album en 1956.
Continuant, sa
quête identitaire, qui le hante depuis
la mort de Lidia son amour et de Khephren le fils de son compagnon de route et
ami Enak, le sénateur Alix se rend dans la cité maudite de Dur-Sharrukin sur les
traces de son défunt père et de son adolescence. Mais la ville inaugurée en 707
av. J.-C. par le roi Sargon II n’est pas damnée pour rien. Et même si elle
n’est plus qu’une ville fantôme elle continue d’alimenter les peurs et la folie
des hommes.
Mon premier contact avec Alix remonte
à la fin des années 70. Je me rappelle encore la forte impression que m’avait provoqué la
lecture d’Alix l’intrépide. Particulièrement les premières pages de
l’album. Celles qui nous parlaient de la mort de Marcus Licinius Crassus, ce
consul membre du 1er triumvirat avec Jules César et Caneus Pompeius
Magnus dit Pompée. Martin avait eu la brillante idée de reprendre la version
dramatique élaborée par l’historien romain Dion Cassus. Ce dernier soutenait que
le général Parthe Suréna avait fait couler de l'or en fusion dans la bouche de
Crassus en lui disant : « Rassasie-toi de ce métal dont tu es si avide ! » Depuis
cette vision de Crassus la bouche pleine d’or en fusion s’est imprégnée dans ma
mémoire. Alors, imaginez mon grand plaisir quand j’ai vu qu’Alix revenait sur
cette histoire et sur les relations tendues entre l’Empire romain et celui des
Parthes.
Bon d’accord,
je suis déjà un fan d’Alix Senator. J’aime cette relecture du célèbre Gaulois.
J’aime cette humanisation du personnage. J’aime aussi Alix plus sombre, qui
laisse parler ses zones d’ombre et ses zones de lumière. J’aime encore Alix moins
boyscout, moins désincarné. J’aime aussi le dessin souple et aéré de Démarrez. J’aime
l’authenticité, la vie et la chaleur qu’il insuffle dans ses personnages, dans
ses paysages et dans ses bâtiments. J’aime quand il utilise la neige, comme
dans cet album, pour donner une dimension supplémentaire au climat du scénario.
J’aime aussi
l’intégration intelligente des notions historiques, admirablement mises en
scène par les auteurs, qui s’imbriquent parfaitement dans le récit. Mais
par-dessus tout j’aime ces réminiscences qui éclairent une partie inconnue de la
vie du Gaulois. Celle qui précède les premières planches d’Alix l’intrépide.
Alors avec une
histoire aussi bien racontée, un dessin dynamique et enlevé, des révélations
sur un passé secret et un retour sur une légende qui a marqué mon imaginaire d’adolescent
je ne pouvais que me laisser séduire.
Et c’est
exactement ce qui est arrivé.
J Martin, V Mangin, Th Démarez, Alix senator L’esclave de Khorsabad.
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