1984 : De retour dans le cauchemar 1ere partie.
Par Robert Laplante
1984.
Il en fait parler du monde, le célèbre roman de Georges Orwell. La première fois que j’en ai entendu, c’était quelque part dans les années 70, quand CHOM FM diffusait la chanson éponyme de David Bowie,
chanson de la comédie musicale avortée que l’icône du rock voulait consacrer au bouquin. Après Bowie c’est grâce au film de Michael Radford
et à la pub pour Apple signée Ridley Scott
que j’ai continué à me sensibiliser au destin
tragique de Winston Smith. Et puis finalement je l’ai lu.
Tout comme
Churchill qu’on aime citer pour toutes sortes d’occasions, l’enfer orwellien est lui aussi constamment évoqué dans des
critiques contre la droite ou contre la gauche, dans des entrevues et des tribunes
téléphoniques, dans des analyses savantes ou pseudo savantes, dans des
chroniques, sur Facebook, sur Twitter, dans les forums de discussions et
souvent par des gens qui ne l’ont jamais lu.
Quand on lit
les commentaires des lecteurs de Richard Martineau, de Joseph Facal, de MBC, de
Patrick Lagacé et tutti quanti qui reviennent régulièrement à l’œuvre phare
d’Orwell, c’est peut-être parce qu’elle est devenue un passe-partout. Une image,
utilisée pour tout et pour rien, pour faire étalage de sa culture, ou pour
faire l’intelligent en répétant comme un mainate des concepts qu’on ne maitrise
pas ou à moitié ou qu’on pense maitriser.
Mais comme
le hasard fait bien les choses, tous ceux qui le citent sans ne l’avoir jamais
lu peuvent maintenant se le procurer en version bédé. Et pas juste une, mais
deux adaptations BD. Au cours des deux prochaines chroniques, nous aborderons
ces deux versions à la fois proches et différentes. Nous commençons cette
semaine avec celle de Xavier Coste publiée chez Sarbacane.
Comme tout
le monde l’a déjà lu, enfin si je me fie à cette multitude de gens qui en
parlent, inutile d’en faire un résumé. Vous connaissez l’intrigue aussi bien que
moi… quoique je dois avouer que j’en avais oublié quelques bouts depuis ma
lecture dans les années 80.
Il faut
savoir dès le début que j’aime beaucoup, mais vraiment beaucoup, le travail de Xavier Coste, que j’avais découvert
grâce à L’Enfant et la Rivière. Une séduisante plongée impressionniste
tout en lumière et en couleur dans une France campagnarde d’une autre époque.
S’il m’avait
impressionné avec cette adaptation du roman d’Henri Bosco, il a fait de même
avec son adaptation de 1984. Coste avec son dessin au parfum du Paul
Gillon des Naufragés du temps m’a donné l’impression d’être enfermé, moi
aussi, dans la société cauchemardesque décrite par le célèbre journaliste
anglais. En tout cas beaucoup plus que Radford l’avait fait dans son adaptation
pour le 7e art.
Son trait toujours aussi évocateur et
vaporeux, à la fois
précis et incertain, sa brillante mise en scène qui fait valser grandes et
petites cases dans une danse macabre anxiogène, ses couleurs, qui viennent
amplifier la paranoïa qui enveloppe chaque case, font de cette version de 1984
une bédé incontournable.
Mais c’est son
univers graphique qui m’a le plus impressionné. Un univers graphique très loin,
du film et des autres dystopies. Pourtant même s’il utilise des couleurs plus
chaudes son univers est aussi angoissant, aussi inquiétant que celui du roman. Peut-être
même plus. J’ai retrouvé dans son adaptation dessinée le même souffle désespéré,
fataliste et sans issues, que celui proposé par Gerald Scarfe, Roger Waters et
Allan Parker dans la version filmée de The Wall ou encore par Alan Moore
et David Lloyd dans V pour Vendetta.
Fascinante
bande dessinée, le 1984 de Coste qui
traduit avec évocation l’atmosphère toxique du roman d’Orwell.
Une adaptation qui m’a habité
longtemps et qui me donne le gout de relire le roman. Comme ça, je ne le
citerais plus à tout vent comme le font ceux qui ne l’ont pas lu ou qui n’en n’ont
plus qu’un vague souvenir.
Xavier Coste d’après le roman de
George Orwell, 1984, Sarbacane.
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