1984 : De retour dans le cauchemar 2ieme partie.
Par Robert Laplante
1984 ! Il en fait parler du monde le célèbre roman de Georges Orwell. La première fois que j’en ai entendu, c’était dans les années 70, quand CHOM FM diffusait la chanson éponyme de David Bowie, extrait, comme Big Brother
et We Are Dead,
de sa comédie
musicale inachevée consacrée à Winston Smith.
Œuvre
importante, mais un tantinet académique, 1984 est devenu au fil du temps
une métaphore populaire pour dire tout et son contraire, souvent par des gens qui
ne l’ont jamais lu ou qui en ont vaguement entendu parler, parce que ça fait
intelligent, parce que ça fait branché, parce que ça créer une image forte qui explique
tout et rien.
Mais tous
ceux qui le citent n’importe quand et n’importe comment n’ont maintenant plus
d’excuses pour mal l’utiliser. Pourquoi ? Tout simplement parce que deux
adaptations bédés viennent de sortir. La semaine dernière nous avons traité de
l’excellente version de Xavier Coste chez Sarbacane, cette semaine nous nous
penchons sur celle du Brésilien Fido Nesti chez Grasset.
Si la
version de Coste est plus vaporeuse, plus impressionniste, plus en
sous-entendu, celle de Nesti en revanche colle fidèlement au roman. Du moins au
souvenir que j’en ai. Mais mon souvenir a peut-être été déformé sous les affres
du temps qui fuit. N’oublions pas que ça fait un bail que je l’ai lu.
Là où Coste
a choisi une nouvelle représentation de l’univers toxique d’Orwell, plus
colorée, plus proche de notre réalité, plus teintée par une inquiétante
plausibilité. Nesti, lui, opte plutôt pour une approche plus classique. Mais ça
ne veut pas dire qu’il faut rejeter cette adaptation. Au contraire, elle tout
aussi passionnante que celle de Coste, même si elle est plus proche des représentations
traditionnelles des dystopies.
Sous la
plume de Nesti 1984, ressemble exactement à ce que j’avais imaginé
lorsque je le lisais jadis. À la différence de la version de Coste, la société
proposée par Nesti est grise, triste, sans couleur, sans rire et sans plaisir.
Une société où les gens se promènent sans enthousiasme dans une vie morne au
rythme d’une désespérante routine déshumanisante. Il y a visiblement dans ce 1984
des parfums de la cité des travailleurs du Métropolis de Fritz Lang.
Avec son
dessin semi-réaliste, le bédéiste, qui a entre autres travaillé pour le Rolling
Stone et le New Yorker, se moule parfaitement dans l’imagerie
populaire, devenue presque une norme, accolé au roman depuis sa publication en
1949. Une imagerie héritée de nos représentations du cauchemar soviétique.
Nesti navigue avec aisance dans cette société ruinée qui ressemble plus à la
fin d’un automne empreint de l’odeur des promesses trahies, de la résignation
et du fatalisme qu’à un printemps lumineux et éclatant où tout est possible.
Il n’y a pas
que l’atmosphère angoissante d’Orwell que reproduit fidèlement le bédéiste, il
y aussi l’essence du texte. Le fonctionnement d’Oceania, le rôle de la nouvelle
langue, le travestissement de l’histoire, les réflexions de Goldstein sont
parfaitement expliqués dans les moindres détails. Ce que faisait moins Coste
qui suggérait plus qu’il expliquait.
https://www.blogger.com/blog/post/edit/7306840002311975237/9079465224779446749
Cette
version de 1984 est peut-être moins imaginative scénaristiquement et graphiquement
que celle de Coste, mais tout aussi pertinente. Elle a le grand souci de faire
la lumière sur un contexte et sur des concepts que Coste effleurait pour ne pas
briser le rythme de sa bande dessinée.
Bref une
lecture essentielle pour bien comprendre Orwell qu’on peut lire en complément
de la version de Coste.
Fido Nesti
d’après le roman de George Orwell, 1984, Grasset.
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