Le Réveil du tigre.

                                    


                                                                                                                                                                                                                                                        

 Par Robert Laplante

Même s’ils sont indissociables du développement de l’Ouest américain et de la création de sa mythologie, les Asiatiques, dont les Chinois, sont pourtant plutôt absents des œuvres culturelles consacrées à la conquête de l’Ouest. Bien sûr ils y sont, mais comme figurants, au hasard de l’avancée du cheval de fer, ou comme personnages secondaires stéréotypés ou mystérieux comme dans : L’héritage de Rantaplan, mon Lucky Luke favori. À part Shanghai Joe,


                                              


Soleil Rouge,

                                                  


                                                         

deux westerns spaghettis, même si techniquement ce dernier ne l’est pas vraiment et Shanghai Noon, 

                                                           


un western humoristique avec Jackie Chan, les Asiatiques ont rarement été au cœur des productions culturelles consacrées à la conquête de l’Ouest. Et puis il y a eu Chinaman à l’aube des années 2000. En 1997 plus précisément.

Mais des nouvelles de Chinaman nous n’en avions pas eu depuis très longtemps, depuis 2007 en fait. Où était rendu cet ancien mercenaire des terrifiantes Triades cantonaises exilé quelque part dans l’Ouest américain ? Personne ne le savait, jusqu’au moment où TaDuc et Le Tendre ont décidé de renouer avec lui le temps d’une dernière charge aussi furieuse que suicidaire.

S’il s’est passé 15 ans entre la parution Tucano et le nouvel opus Le réveil du tigre, c’est plutôt 20 ans qui se sont écoulés dans la vie de Chinaman. 20 ans d’errance où il s’est enfoncé dans l’obscurité et dans l’oubli bienveillant de l’opium, seul médicament pour endormir partiellement son âme tourmentée par ses fantômes du passé.

Mais quelques fois, le passé revient sous une nouvelle forme, histoire de nous donner l’ultime chance de gouter à une parcelle de la rédemption que la « divine drogue », comme on surnommait l’opium, ne peut nous accorder.

Testament de Chinaman, Le réveil du tigre est le meilleur tome de cette série atypique, du moins dans l’univers du western. Si la ruée vers l’or a laissé sa place à la découverte de l’or noir, l’appétit insatiable des hommes pour le pouvoir et la richesse est resté le même. Et ici, il prend la forme d’une compagnie pétrolière prête à tout pour contrôler la future précieuse ressource.

Encore une fois, TaDuc et Le Tendre aborde le western avec les yeux de l’étranger qui tente tant bien que mal de survivre dans une société violente, injuste, raciste, sans honneur, où l’argent est la seule loi. Il ne fait pas bon être Chinois dans cet Ouest légendaire. Comme il ne fait pas bon être un membre des Premières Nations, un Mexicain, un Noir où tout simplement être différent.

Rondement mené : Le réveil du tigre est le baroud d’honneur d’un éternel apatride qui ne trouve sa place nulle part et qui tente dans un dernier rugissement de retrouver la dignité et l’honneur que la Guerre de Sécession et l’opium lui ont confisqué.

J’ai toujours aimé la série Chinaman, même si quelques fois je trouvais qu’elle avait un peu de difficulté à trouver son rythme. Mais force est de constater que Chinaman n’a jamais été aussi intéressant que dans ce nouvel album. J’ai l’impression qu’enfin les auteurs ont répondu aux promesses que j’avais entrevues lors de ma lecture de La montagne d’or.

Chinaman prend congé de l’Ouest de la plus belle des façons, glorieusement. Une fin aussi mythique que cet Ouest crépusculaire qui disparait tranquillement chassée par la modernité qui pointe son nez avec ses automobiles, son pétrole, sa technologie et sa civilisation.

Tout comme Red Dust, Blueberry, Manuel Gutierrez, dit « le Cheyenne » Il était une fois dans l’Ouest et John Bernard Books, inoubliable John Wayne dans The Shootist,

                                                     


Chinaman quitte avec panache et dignité ce nouvel Ouest où il n’a plus sa place.

TaDuc, Le Tendre, Le réveil du tigre, Dupuis.

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