Le tambour de la Moskova : La catastrophe de 1812.

                                                                   


                                                               

 Par Robert Laplante

Le 5 mai dernier la France commémorait avec une certaine discrétion le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte. L’homme, ses politiques, son régime et son héritage ne laissent personne indifférent. Et si Sa Majesté Impériale continue d’alimenter les passions et les débats, c’est qu’il y a encore beaucoup à dire et à raconter. Surtout pour les auteurs les plus talentueux qui peuvent y puiser un nombre intarissable d’histoires.

C’est exactement ce qu’a fait Simon Spruyt avec Le tambour de la Moskova une bande dessinée intéressante consacrée à la désastreuse campagne de Russie de 1812 et à la catastrophique retraite de la Grande Armée. Un théâtre chaotique où l’homme se confronte à ses pires excès que Ridley Scott avait utilisés dans ses Duellistes.


                                                   


Vincent est un jeune adulte qui en 1810 perd à la loterie de la conscription et se retrouve incorporé dans la Grande Armée. À peine âgé de 20 ans l’Isérois, qui vient tout juste de sortir de l’adolescence, est bombardé tambour dans la puissante armée qui accumule les victoires et qui deux ans plus tard prend la route de Moscou pour mettre au pas la Russie d’Alexandre 1er. Et cette marche vers la troisième Rome, comme elle fut surnommée à l’époque, fut irrésistible. Trop même. Comme si les Russes avaient préparé aux Français une surprise.

Coincés, dans le piège d’une Moscou incendiée les hommes de l’Empereur doivent la fuir, non sans s’être livré à des pillages et à des exactions auprès des Moscovites encore présents dans la ville presque abandonnée. Une fuite désordonnée, rapide et désespérée où le froid, la neige, la faim et le harcèlement des soldats du général Mikhael Koutouzov déciment littéralement cette Grande Armée.  

Une Grande Armée qui n’a pas plus de grande que le nom. Selon les historiens, des 650 000 soldats qui pénètreront sur les terres russes, 250 000 tomberont au combat, de froid, de faim et de maladie, entre 150 000 et 190 000 seront prisonniers de l’armée russe, 130 000 déserteront lors de la marche vers Moscou et près de 60 000 se réfugieront chez les paysans, les bourgeois et les nobles russes… dont Vincent le tambour de la Moskova. Vincent qui peu à peu s’intègrera à cette nouvelle vie dans sa nouvelle patrie russe.

Le tambour de la Moskova raconte donc cette catastrophique campagne à travers les yeux de ce jeune tambour à la frimousse d’ange. Protégé par toute l’armée française, Vincent est perçu comme la dernière étincelle d’innocence dans un chaos où l’humanité de l’homme n’est plus que concept vague.

À partir de ses confessions à un écrivain russe, un certain Léon Tolstoï, qui veut écrire un roman sur cette opération militaire, le mythique Guerre et Paix,

                                           


Vincent évoque sa campagne de Russie dans toute sa folie, sa décadence, sa violence et son absurdité.  

Magnifiquement illustrer par le trait presque évanescent de Spruyt la campagne de Russie prend les couleurs d’un cauchemar imprécis où le rêve et la réalité s’entrelacent et se fusionnent.

                                                     


Et à bien y penser, miser sur l’atmosphère de la campagne plutôt que sur son réalisme est peut-être la meilleure façon de raconter ce désastre. En évitant la violence extrême des combats et en misant sur l’ambiance anxiogène qui enveloppe le repli aveugle d’une armée qui marche vers sa perte, le bédéiste nous fait mieux sentir l’angoisse indicible et la peur constante qui tenaillent ces soldats ,  de survivre à la guérilla cosaque, à l’hostilité de l’environnement russe et a l’impitoyabilité du général hiver.

Simon Spruyt, Le tambour de la Moskova, Le Lombard.

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