Le chat déambule : Songe d’une nuit de mi-août.

                                                              


Robert Laplante

Philippe Geluck a pas mal fait parler de lui au printemps dernier. Bien sûr il y a eu cette polémique, alimentée par des artistes contemporains, autour du futur musée du Chat et du dessin d’humour. Mais il y a aussi eu la surprenante exposition consacrée à son irrésistible félin sur les Champs-Élysées où on le retrouvait décliné en vingt statues de bronze. Vingt statues où on pouvait le voir dans toute sa splendeur, sa superbe, sa morgue et sa sagesse aussi absurde que légendaire. Vingt statues de l’imposant matou qui nous ressemble beaucoup plus qu’on ne voudrait bien l’avouer. Parce que justement le chat c’est plus qu’un chat, c’est aussi nous et un paquet d’autres choses. « Le chat n’est pas un chat, pas un homme, pas un philosophe, ni un couillon, mais un peu tout ça à la fois » soutient Geluck.

À l’occasion de son invasion des Champs-Élysées, Casterman a proposé un amusant catalogue consacré à ces surprenantes sculptures.

                                                 


 Composé de réflexions, et d’anecdotes savoureuses de Geluck sur son parcours, son travail, la naissance et les nombreuses vies de son Felis silvestris catus. Nous découvrons aussi, son amour de la sculpture, la place de l’humour dans l’histoire de l’art et la fabrication de ses statues. Le chat déambule, nous offre une courte incursion, trop courte pourrait-on regretter, dans son univers déjanté, absurde et champ gauche. Un univers qui repose autant sur sa grande connaissance de la psyché de l’humain que sur l’histoire de l’art et de l’humour. Le tout illustré de quelques-uns de ses gags les plus hilarants et de fabuleux qui mettent en scène le Manneken Pis ou la Vénus de Milo.


                                      


Le chat est aussi une véritable industrie de produits dérivés. On peut penser aux figurines, agendas, peluches. Et ça serait une lapalissade de dire qu’on le voit presque partout. Et c’est aussi cette commercialisation sous couvert de musée que lui reprochaient les auteurs et les signataires de la pétition qui s’opposait à la création de son CHAT Cartoon Museum et à son financement par la région de Bruxelles. D’ailleurs n’écrivaient-ils pas dans le texte de la pétition « Ces personnages sont conçus pour exister dans les livres. Mis à part les planches originales, les objets exposés sont nécessairement des produits dérivés. »

                                       


Ce à quoi il aurait pu répondre à ses détracteurs, la même chose qu’il répondit à ceux qui lui reprochaient ses peluches et ces petites figurines du chat. « Tant mieux si de riches collectionneurs peuvent s’offrir mes tableaux. C’est très flatteur pour moi, mais je tiens absolument à ce que le grand public puisse continuer à s’approprier mon travail. Voilà pourquoi je veux reproduire sur des affiches, des t-shirts et des cartes postales. Si l’un ou l’autre s’offre un tableau à 250 000 $, j’aime à penser qu’un amateur moins fortuné s’achètera une image à 1 $. Leur plaisir est le même. » Écrit-il dans le Chat déambule, en citant Keith Haring.

C’est aussi cette personnalité iconoclaste, mais terriblement fascinante qui ressort de ce: Chat déambule et qui se retrouve dans chacune de ses œuvres, de ses dessins et de ses interventions écrites ou parlées.

À travers: Le chat déambule, Geluck s’ouvre timidement, en dévoilant une petite parcelle de sa personnalité et de la richesse de sa réflexion. Une petite parcelle qui ébranle légèrement l’image de l’irrécupérable potache qui amuse tant la galerie et les médias. Parce que derrière ses pitreries sympathiquement imprévisibles et incontrôlables, derrière ses moments de franche rigolade et de grande déconnade, il y a un observateur aiguisé de nos comportements légèrement incohérents. Ce qu’on oublie trop souvent.

Et cette découverte d’un autre Geluck, qui n’est pas que le chat, mais qui l’est aussi beaucoup, est sans doute ce qui m’a le plus plu dans ce Chat déambule.


                          


Et si j’espère visiter un jour son musée à Bruxelles, je devrais me contenter, du Chat déambule pour vivre celle sur les Champs-Élysées. À moins qu’un jour le Chat nous visite. Imaginez le Chat sur l’avenue McGill College, sur la Sainte-Catherine ou encore mieux sur Grande Allée à Québec. Je suis certain que les élus de notre Assemblée nationale trouveraient dans ses statues de précieux conseils pour la marche de l’État. Quelle belle vision

 

 

Philippe Geluck, Le chat déambule, Casterman.

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