Le Manoir Sheridan : L’antichambre de l’enfer.

 

                                                     


            

 Par Robert Laplante

Y a-t-il quelque chose de plus anxiogène que de se réveiller, après un terrible accident, désorienté dans un immense manoir glauque, décrépi et aux allures de la maison Usher. Se réveiller dans une maison inconnue c’est déjà angoissant, mais ça l’est encore plus quand vous avez pour comme compagnons une demoiselle catatonique, un imposant géant russe et un mystérieux bourgeois que vous ne connaissez ni d’Ève ni d’Adam. Je ne sais vraiment pas s’il y a quelque chose de plus terrifiant que de se retrouver dans cette situation cauchemardesque à la Edgar Allan Poe.

À moins que dans cet horrifique manoir se retrouve une porte qui mène directement dans un monde parallèle où vivent de monstrueuses créatures. Alors dans ce cas-là on se retrouve plutôt dans une horreur de type Lovecraft. De quoi dire qu’on tombe véritablement de Charybde en Scylla ou pour être plus précis de Poe à Lovecraft.


                                


Ce cauchemar Daniel Letendre, un petit voleur sans envergure, le vit. Après avoir « emprunté sans permission » la caisse d’un magasin général, Letendre a un accident terrible. Il se réveille quelques jours plus tard au Manoir Sheridan, une immense maison un brin délabrée, propriété d’Angus Mac Mahon. Mais comme tout bien vieux manoir qui se respecte le Sheridan’s Manson cache beaucoup de secrets dans ses murs, derrière ses portes closes, dans sa cave humide et poussiéreuse et sans doute dans son grenier tout aussi humide et poussiéreux.  Et c’est ce que nous proposent Lamontagne et Ma Yi dans: La porte de Géhenne premier tome du Manoir Sheridan.

Ce n’est un secret pour personne Jacques Lamontagne Est un grand amateur de fantastique noir et gothique.  On le sait tellement que le préciser devient presque une lapalissade. Le dessinateur des Druides est depuis longtemps un fin connaisseur de cette littérature. Nourri aux comics d’horreur américains à la Tales from the Crypt 

                                             


et aux bouquins de la mythique collection fantastique des éditions Marabout, le dessinateur de Saint-Raymond dans le comté de Portneuf connait parfaitement ses codes et s’y sent à l’aise comme un poisson dans l’eau ou comme Cthulhu dans R’lyeh

Des Contes d’outre-tombe, à Aspic en passant par Van Helsing 

                                         


contre Jack l’Éventreur et Les contes de l’Ankou, Lamontagne aime s’aventurer, scénaristiquement et graphiquement sur les sombres landes intimidantes du côté obscur de notre monde rationnel et logique.

Et ce Manoir Sheridan ne fait pas exception. Lamontagne y élabore une intrigue obsédante aux sonorités de Poe, de Lovecraft, d’Ambrose Bierce, de Jean Ray et de Graham Masterton.

Superbement appuyé par le dessin grandiose et inquiétant de Ma Yi, qui s’avère un complice parfait, Lamontagne s’amuse ferme dans ce conte d’épouvante d’inspiration gothique. Avec un plaisir contagieux, il tisse une toile efficace qui m’a retenu prisonnier, tout comme elle tient le pauvre Daniel Letendre devenu le jouet d’un Mac Mahon prêt à tout sacrifier, surtout la vie des autres, pour rassasier ses ambitions démesurées.

J’ai retrouvé dans ce Manoir Sheridan les réminiscences de mes années d’adolescences quand je dévorais chaque roman de la mythique collection fantastique de Marabout, ceux avec les magnifiques couvertures noires.

Bref une sympathique bédé écrite par un scénariste aguerri qui connait le genre comme le fond de sa poche et qui nous guide avec passion sur les chemins les plus obscurs des mondes infernaux et illustré par un Ma Yi en grande forme.

Je ne peux rien demander de mieux pour finir l’été.

Lamontagne, Ma Yi, Le Manoir Sheridan, Vents d’Ouest.

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