Dans la tête de Sherlock Holmes : Le zoo de la vengeance.

 

                                                          


Par Robert Laplante

Il y a des héros qui ne disparaissent jamais, qui nous accompagnent toujours et qui se redéfinissent au gré des générations qui se les approprient. C’est le cas de Sherlock Holmes cet archétype du détective privé, maître ès déduction et caméléon qui se fond dans toutes les époques pour mener ses enquêtes.

De William Gillette à John Barrymore, de Basil Rathbone

                                         


à Peter Cushing, de Robert Downey Jr à Benedict Cumberbatch

                                                


                                 

Sherlock continue, même aujourd’hui, de traîner sa pipe, son violon,

                                           


 sa cape d’Inverness, sa loupe, sa deerstalker, sa dépendance à la cocaïne, sa froide et implacable logique et son Angleterre mythique dans les romans,

                                      


 les nouvelles, les films muets et sonores, les séries télévisées les jeux vidéo et de plateau, les bandes dessinées et même sur les scènes des théâtres. Pas mal pour un détective plus que centenaire.

Ce qui est fascinant avec lui c’est que 134 ans après : Une étude en rouge, il continue d’inspirer les créateurs. Ces créateurs qui n’en finissent plus d’explorer son univers et de proposer des visions de son petit monde parfois respectueuses, parfois audacieuses, parfois burlesques. Que ce soit sa petite sœur, ses frères, ses ennemis jurés toute la nébuleuse Sherlock Holmes est constamment explorée par eux.

Cyril Lieron et Benoit Dahan, les auteurs de l’exceptionnelle série : Dans la tête de Sherlock Holmes, fait partie de ce groupe d’explorateurs « holmesiens. » Exceptionnelle? Sans aucun doute. Parce qu’il faut l’avouer, leur Holmes est tout simplement irrésistible. Ils nous proposent une impressionnante relecture subtile, déstabilisante et rythmée. Ce n’est pas pour rien que le premier tome de la série a été salué avec enthousiasme par le public et la presque totalité de la critique. Sauf par moi parce que je ne l’avais jamais lu. Ce qui est maintenant fait.


                                             


Dans cette suite de L’affaire du ticket scandaleux, le légendaire détective et son fidèle comparse, le bon vieux docteur Watson, continuent d’enquêter sur ces mystérieuses disparitions de citoyens anglais qui rien ne semble unir entre eux. Pourtant à force d’observations, de déductions, de pipes et du Caprice numéro 24 de Paganini il finira par découvrir les ficelles de cette sombre vengeance orchestrée par d’anciens militaires britanniques écœurés de l’impérialisme et du racisme de l’armée et du gouvernement de sa glorieuse Majesté.

Il est difficile de trouver les mots justes pour rendre justice à l’intelligence scénaristique et graphique de cette bande dessinée indescriptible. En parler c’est bien, mais la lire c’est encore mieux.

Mises en pages dynamiques, indices disséminés un peu partout dans les illustrations riches, redéfinition de la case et de la planche, distorsion narrative, les auteurs sont constamment en train de remettre en question mes habitudes de lecture. Sous leurs griffes toutes mes certitudes sur la linéarité « bédésque » ont été bousculées, et ce, de la première à la dernière page de ce sulfureux jeu de pistes.

Et vous savez le plus réjouissant là-dedans, c’est qu’ils n’ont jamais trahi l’efficacité de leur intrigue. Au contraire l’ingénieuse mise en scène sert admirablement bien le « storytelling. » Toute comparaison étant boiteuse par nature, je dois quand même vous avouer que j’y ai retrouvé le même étonnement, le même ravissement et la même impression d’avoir mis la main sur un trésor que j’avais jadis quand j’ai découvert les bandes dessinées de Marc-Antoine Mathieu et plus jeune; Le voyage de l’incrédule mon premier Philémon.

Il y a tellement de magie dans ce Sherlock Holmes qu’à la fin de sa lecture j’étais heureux et triste. Heureux d’avoir parcouru une bédé stupéfiante. Triste de ne pas l’avoir découvert avant. Parce que moi aussi j’aurais aimé me joindre au concert initial d’acclamations, parce que moi aussi j’aurais aimé me vanter d’avoir été parmi les premiers à en parler. Au lieu d’être comme Rip Van Winkler et me réveiller beaucoup trop tard.

Mais mieux vaut tard que jamais dit le proverbe.



Cyril Lieron, Benoit Dahan, d’après Sir Arthur Conan Doyle, Dans la tête de Sherlock Holmes, L’affaire du ticket scandaleux, 2 tomes, Ankama.

Commentaires

  1. Excellente chronique ! Et dans l'attente du tome 3 qui sera nous plongera une fois de plus dans la magie d'une nouvelle enquête.

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