Raven : L’or maudit du conquistador
Par Robert Laplante
J’aime les histoires maritimes. J’aime leurs parfums de liberté, d’immensités réflexives, d’aventures. Parmi toutes ces histoires, celles qui me plaisent le plus, ce sont celles qui mettent en scène des pirates. Qu’elles soient racontées par Errol Flynn, Robert Louis Stevenson, Daniel Defoe, Roman Polanski, Terry Gilliam, James Matthew Barrie et autres Gore Vidal, ce n’est pas mêlant aussitôt que je les fréquente, elles me séduisent.
Parmi mes auteurs d’histoires de flibustier préférés, il y a Mathieu Lauffray. Oui, oui, le Mathieu Lauffray de Long John Silver,
cette fabuleuse suite «bédésque» de L’île au trésor. Bon Dieu, que je m’étais amusé dans cette histoire époustouflante. Dès la première page, j’étais tombé sous le charme de cet incroyable tour de force, de cette majestueuse leçon de maître donnée par deux surdoués du 9e art. Si j’en parle encore aujourd’hui avec autant de plaisir, c’est qu’elle m’enthousiasme encore, et ce, même si je l’ai relu plusieurs fois depuis.
Alors quand j’ai su qu’il concoctait une nouvelle histoire des Frères de la côte j’étais heureux. Je l’attendais avec impatience ce : Raven librement inspirée de Black Vulmea’s Vengeance, une nouvelle écrite par le créateur du célèbre Conan Robert E. Howard.
J’avais beaucoup aimé le premier tome de sa série. Même si je n’y retrouvais pas toute la fougue, l’efficacité et la clarté narrative de Long John Silver. Mais que voulez-vous, comme Dorison est actuellement un des meilleurs scénaristes et que la bédé d’aventure n’a plus de secrets pour lui, le défi était peut-être un peu impossible à relever.
Si scénaristiquement, Lauffray me semblait moins inspiré, ce n’était pas du tout le cas pour son dessin et sa mise en page qui comme d’habitude nous en mettaient plein la vue. Un véritable délice pour les yeux. Même si le coup de foudre n’avait pas l’équivalente intensité, que celle du Long John Silver initial, il reste que ce Raven me plaisait beaucoup.
Alors devant autant de serments de plaisir j’avais hâte de lire Les contrées infernales, le nouveau tome de la série. Et je dois bien avouer, que non seulement Lauffray a tenu ses promesses, mais qu’en plus il a complètement soufflé mes réserves scénaristiques.
Beaucoup plus à l’aise maintenant avec le difficile art du «storytelling» Lauffray propose une aventure qui respecte les grands codes du genre. On y retrouve des rebondissements tonitruants, des cabrioles, du cabotinage, des moments héroïques, des personnages truculents, des têtes brûlées aux répliques savoureuses et des méchantes, dont une diablesse d’opérette plus grande que nature. Bref, toutes les caractéristiques d’une excellente histoire de boucaniers.
Lauffray s’amuse comme un fou dans ce second tome. Avec un enthousiasme et un plaisir communicatif, il nous guide dans cette chasse au trésor sur cette île perdue des Caraïbes, couverte par une jungle aussi anxiogène qu’agressive et peuplée par une tribu d’autochtones pas tellement heureux de voir les pirates fouler leur territoire sacré. Un sol qui se transforme en quelques pages en un véritable coupe-gorge.
Encore une fois le trait de Lauffray est tout bonnement impressionnant. Avec sa mise en scène efficace, le bédéiste amplifie l’atmosphère oppressante de son scénario drôlement bien ficelé. Les scénarios qui se déroulent dans la jungle sont bluffants, presque autant que son volcan menaçant qui gronde tout au long des pages.
Lauffray a transcendé la nouvelle d’Howard pour en faire une éclatante démonstration de ses grandes qualités de conteur. J’ai retrouvé dans ce Raven les éléments qui m’avaient tant impressionné dans Long John Silver.
Corne de bouc, que j’ai eu du plaisir, en ce mois de janvier frigorifié, à me plonger dans cette histoire pleine d’humour, de fureur, de sabres et de sang.
Allez, une autre bouteille de rhum en l’honneur de Raven, le pirate des pirates.
Mathieu Lauffray, Raven tome II Les contrées infernales, Dargaud.
Commentaires
Publier un commentaire