L’espoir malgré tout : Perceval dans le chaos.

                                                                  


Par Robert Laplante

Manifestement, la Seconde Guerre mondiale est toujours aussi populaire. Peut-être pas au cinéma ou dans les romans populaires, mais en bande dessinée elle continue de nourrir l’imagination des créateurs pour mon plus grand plaisir. Et du plaisir j’en ai encore plus quand il s’agit d’une bédé de la trempe de L’Espoir malgré tout, la magnifique aventure de Spirou signée Émile Bravo dont la troisième partie est arrivée dans nos librairies il y a quelques semaines.

Et quand je dis magnifique, je ne fais pas dans la surenchère. Parce qu’il n’y a pas d’autres mots pour qualifier cette histoire en 4 tomes qui se déroule en Belgique occupée. Une Belgique résistante qu’on a fini par oublier tant sa voisine la France s’est imposée comme l’icône des luttes populaires contre le loup nazi.


                                            


Dans ce troisième tome, Spirou continue de s’opposer à sa façon à l’occupant et ses sympathisants belges. Au lieu de rejoindre une résistance, qu’il ne connaît pas et qui lui semble bien loin, il préfère mener sans grand tapage ses petites actions pacifiques anonymes. Avec courage et témérité, notre groom préféré aide ses connaissances en danger à se cacher, à survivre aux privations, aux mauvais traitements et aux exactions des nazis et des minables revanchards assoiffés d’un pouvoir illusoire qui collaborent avec eux.

Hélas! pour lui le jour où il devra s’impliquer plus fortement et moins paisiblement pour précipiter la débâcle nazie approche. Et ce jour ne semble plus très loin depuis que les alliés ont pris pied en Normandie. Il devra donc faire un choix moral déchirant : lutter en respectant ses convictions ou emprunter à son tour les chemins obscurs pour mieux les combattre.

                                                      


Vous le savez, vous qui me suivez, que je chéris beaucoup les histoires qui se déroulent durant la Seconde Guerre mondiale. Comme j’aime celles consacrées à la résistance et à Belgique. Alors quand ces trois ingrédients sont présents dans la même bande dessinée c’est évident que je succombe. Et je craque encore plus quand elle est l’œuvre d’Émile Bravo, un bédéiste que j’affectionne beaucoup, et ce, depuis que j’ai lu ses épatantes aventures de Jules et son bluffant Journal d’un ingénu.

Dans L’Espoir malgré tout, et particulièrement dans ce troisième tome, Bravo s’intéresse à la nature boy-scout de Spirou dans une époque où toutes les valeurs héroïques s’effacent devant le chaos qui accompagne les Dieux de la guerre. Exit les comportements chevaleresques et la noblesse de l’âme, bienvenue dans le cyclone de la guerre, là où tous permis.

Alors qu’autour de lui le monde s’effondre, que le mal l’emporte et que le bien doit emprunter les sentiers les plus sombres pour espérer défaire les enfants de Mars, Spirou semble dépassé et s’accroche à sa chevalerie et son pacifisme tel un Perceval échoué dans un monde qui l’a depuis longtemps oublié. De quoi lui causer une véritable crise de conscience. Un dilemme moral qui alimente tout ce troisième tome et particulièrement les époustouflantes dernières pages.

Magnifiquement illustré par la ligne claire de Bravo et par ses couleurs mélancoliques et ternes d’une Belgique triste qui souffre, L’Espoir malgré tout est une des meilleures bandes dessinées sur la Seconde Guerre mondiale que j’ai lues. Une descente vertigineuse dans le quotidien d’un pays occupé, un cliché impressionnant d’un jeune adulte aussi adolescent qui doit vieillir trop rapidement alors qu’il n’a pas encore toutes les armes pour assumer en tous points son destin.

Mais par-dessus, toute la bande dessinée m’a permis de renouer avec l’immense talent d’Émile Bravo. Bravo, trouve dans cette saga, qui devrait faire près de 400 pages à sa conclusion, l’espace et le nombre de pages nécessaires pour démonter toute l’intelligence, la finesse et la subtilité de son scénario d’une efficacité narrative redoutable.

Bande dessinée exceptionnelle L’espoir malgré tout, fait ces œuvres, qui imprègnent notre mémoire d’un souvenir indélébile. Que je suis heureux de l’avoir lu.

Définitivement 1939-1945 a encore beaucoup de choses à me dire.

Émile Bravo, L’espoir malgré tout, 3 tomes déjà parus, Dupuis.

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