Clapas : Les arpents rouges

 

                                                          


Par Robert Laplante

Clapas. Le mot est joli, plein de musiques, d’odeurs et du soleil de l’Occitanie. Clapas est un terme occitan qu’on pourrait traduire par un gros tas de pierres. Des roches qui se détachent des montagnes, qui s’accumulent en un amas et qui rendent impraticables les routes montagneuses qui relient les villages montagnards.

Luc, va en rencontrer tout un sur une petite route isolée du Vercors qu’il emprunte pour visiter son papa. Elle est tellement isolée que même les réseaux de téléphonie ne s’y rendent pas. Imaginez.

Luc ainsi que les autres automobilistes sont victimes de cette sombre plaisanterie de dame nature. Ils doivent rebrousser chemin. Pas question de passer la nuit sur la route. Mais comme leurs véhicules sont immobilisés, ils doivent retourner à Luc-en-Diois à pied. Un trajet plutôt long, quand la nuit tombe. Mais on ne sait jamais peut-être qu’une automobile va passer sur la route et pourra les aider.

Par chance, une automobile passe. Un chasseur qui ouvre sa camionnette aux 6 naufragés de la route. Non seulement il les recueille, mais en plus il leur offre le gîte et le repas le temps que les secours arrivent. Ouf, la visite chez le père de Luc n’est pas compromise, tout au plus retardée de quelques heures. C’est ça la traditionnelle hospitalité des gens de la campagne. le destin a un sens de l’humour un peu particulier. Une fois dans la demeure du chasseur, ils deviennent les otages d’une famille de dégénérés. Le genre de tarés qui terrorisent la région, que personne ne fréquente de peur de perdre la vie et qui cachent de nombreux secrets. Pour Louis et ses compagnons d’infortune, une descente aux enfers commence. Décidément, la campagne est beaucoup moins sympathique, bienveillante et accueillante que celle qu’on voit dans Des racines et des ailes.

Isao Moutte a pris tout un pari en proposant un scénario de cet acabit. Il est difficile de s’embarquer dans des sentiers qui sont depuis très longtemps balisés par les productions, surtout cinématographiques, anglo-saxonnes. Des productions qui ont fini par devenir des références qui se sont imposées dans notre imaginaire.

Mais ce n’est pas parce qu’il arpente des chemins hyper stéréotypés que sa bédé n’est pas intéressante et agréable à lire. En tout cas plus intéressante à lire qu’à vivre. Il y a des parfums de tension et de mystère et une ambiance anxiogène qui imprègnent chacune des pages de son histoire.

Et si elle ne renouvelle pas le genre, et ce n’est pas du tout ce qu’on lui demande, elle est quand même drôlement efficace. Le bédéiste maîtrise parfaitement le difficile art de la narration horrifique tout en respectant les codes du genre.

Avec patience il échafaude un suspense solide où la tension, à couper au couteau, augmente de case en case jusqu’à l’hallali final. Un hallali toutefois un peu prévisible.

                                            


Appuyé par son trait sobre, rugueux, aux couleurs de l’automne, Moutte nous entraîne dans le sillage de Louis et de ses partenaires de malchance. Ces derniers doivent apprendre à survivre dans un environnement hostile et imprévisible. Un environnement où chaque rencontre, même furtive, peut s’avérer une menace. Un environnement où la négociation, la retenue et le rationalisme pacifique ont cédé la place depuis longtemps à la folie, la violence destructrice et aux instincts primaires.

Comme Burt Reynolds, John Voigt, Ned Beatty et Ronnie Cox dans l’impressionnant Deliverance de John Boorman, film célébré entre autres pour sa fameuse mélodie Duelling Banjos.

                                                       


Comme Dustin Hoffman dans le troublant Straw Dogs 

                                                  


de Sam Peckinpah. Louis et ses compagnons doivent laisser parler le côté sombre de leur psyché pour sauver leur vie.

Quelques fois pour se sauver d’un monstre, il faut le devenir soi-même.

Isao Moutte, Clapas, Sarbacane.

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