Les juges intègres, le vrai du faux.

 

                                                              


Par Robert Laplante

Il y a quelques années, grâce à une critique enthousiaste de mon ami Christophe, j’ai dévoré l’excellent bouquin de Robert M. Edsel, qui a aussi fait l’objet d’une adaptation cinématographique signée George Clooney, consacré aux Monuments Men. J’ai été subjugué par les exploits de ce groupe d’experts internationaux, 345 membres provenant de 13 nations, chargées par le Président Roosevelt de retrouver les chefs d’œuvres du patrimoine artistique spoliés par les nazis et de protéger ceux qui risquaient de faire les frais des ravages de la guerre.


                                                     


Il n’y a pas que moi qui a été séduit par l’épopée des Monument Men, François Corteggiani l’a été aussi. Il a même vu dans cette quête un fabuleux terrain de jeux pour le célèbre reporter Guy Lefranc.


                                             


Gand, la nuit, quelque part dans les années 50, enfin je présume. Alors que la cité flamande dort, un filou dérobe dans la cathédrale Saint-Bavon Les juges intègres un des panneaux du retable L’Adoration de l’agneau mystique des frères Hubert et Jan van Eyck.

Le hic c’est que le malfrat a subtilisé un faux. Quelle étrange idée. Elle est d’autant plus incompréhensible que tout l’univers, et peut-être même plus loin encore, sait qu’il s’agit d’une contrefaçon. Le véritable tableau est disparu depuis 1934. Alors à moins qu’il soit un parfait idiot ou le roi de la malchance, le voleur est sûrement motivé par autre chose. On ne commet pas un aussi intriguant larcin, sans raison. Voilà de quoi titiller la curiosité du reporter baroudeur Lefranc. Ce dernier, accompagné d’un historien de l’art d’origine serbe, naturalisée américain et ancien Monument Men, décide de faire enquête pour élucider ce qui se cache derrière ce vol.

32album des enquêtes de Guy Lefranc Les juges intègres est un bon Lefranc. Sans être un grand cru, l’ouvrage contient quand même sa part de justes moments. Peut-être à cause de la présence des Monuments Men ou du monde de la contrefaçon.

Il faut savoir raconter son histoire. Et ici Corteggiani, un vétéran scénariste qui n’a plus rien à prouver et qui connaît toutes les ficelles de l’efficacité narrative, le fait très bien. Même si quelques fois les passionnantes notions authentiques, fondamentales pour bien comprendre le contexte de son récit, viennent parfois briser le rythme du récit. Mais ça, ça ne m’a pas vraiment dérangé puisque j’étais, et ce, dès les premières pages sous le charme de sa proposition.

Toutefois le scénariste semble coincé par les 56 pages. On sent qu’il précipite le dénouement pour pouvoir répondre au format. Avec le résultat que je suis resté sur ma faim. Je m’attendais à une révélation finale surprenante, le genre de conclusion à couper le souffle or j’ai plutôt eu l’impression d’avoir une intrigue qui se terminait en eau de boudin.

Le dessin de Christophe Alvès, quant à lui, respecte l’univers Martin. Mais tout comme son collègue je le sens étouffé par cette mise en page très et peut-être trop «martinesque,» un brin rigide et en manque de respiration. Lefranc gagnerait sans doute en dynamisme, en fluidité et en rythme avec une mise en scène plus aérée comme l’ont fait Démarez et Magin avec Alix Senator.

Mais là encore je ne suis pas certain que ce soit ce que je veux vraiment. Quand je lis un Lefranc je ne m’attends pas à une œuvre qui va révolutionner le 9art, mais plutôt à une bédé qui va m’envelopper dans les couvertures réconfortantes de la nostalgie. Et c’est exactement ce que m’offre ce nouveau Lefranc.

Manifestement je suis tiraillé entre l’innovation et la tradition.

C Alvès, F Corteggiani d’après Jacques Martin, Les juges intègres, Casterman.

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